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Sarah

Sarah

Titel: Sarah Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Halter,Marek
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pas à avoir un fils. Qui t’abaisses à
prendre ce serpent d’Eliézer pour héritier…
    Abram d’un coup de pied renversa le plateau
qui contenait les restes du repas :
    — Tais-toi, tu ne sais pas ce que tu
dis. Tu es pleine d’aigreur et de ressentiment. Imagines-tu ce que l’on voit de
toi avec ce voile ridicule qui te masque ?
    — Oh ! oui, je l’imagine,
Abram ! Je sais fort bien ce que l’on voit : rien ! Rien du
tout. Tout comme on ne voit pas ton dieu. C’est ainsi que je suis, moi
aussi ! Une femme qui n’est rien, stérile, sèche comme tous les déserts et
toutes les famines. Une femme que l’on peut donner, prendre ou reprendre sans
que la vie naisse en elle, jamais. Pas même en y déposant une marque, une ride,
rien, RIEN  !
    Elle avait hurlé si fort que l’écho du mot
résonna dans la vallée d’Hébron. Elle plaqua le voile contre sa face :
    — Ce voile, Abram, tu peux le bénir.
Car ton épouse qui n’est rien, si elle ôte ce voile, elle devient ton reproche
à plein visage.
    — Yhwh a promis que j’aurai une
descendance ! cria Abram en levant les bras au ciel, les yeux agrandis de
fureur. Le Dieu Très-Haut l’a promis. Cela sera. Tout ce qu’il promet
s’accomplit !
    Le ricanement de Saraï fut terrible. D’un
bond, elle fut devant Abram, lui agrippa la main pour la plaquer sur son
ventre :
    — Ah oui ? Depuis combien
d’années chantes-tu les mêmes sornettes ? Mon Dieu Très-Haut va accomplir
le miracle ! Pourquoi ne l’a-t-il pas déjà fait ? Pourquoi n’a-t-il
pas gonflé mes entrailles, puisqu’il le peut ? Ta semence doit peupler ce
pays ? De quelle vulve va-t-il sortir, ce peuple ? Vas-tu engrosser
les épouses de Canaan, Abram, celles qui te regardent déjà comme un
demi-dieu ? Après tout, pourquoi pas ? Tu pourras à nouveau prétendre
que je suis ta sœur. Loth avait raison, chacun s’en accommodera…
    Abram gronda, cherchant à retirer sa main
de celle de Saraï. Elle ouvrit les doigts brusquement, le repoussant en le
frappant sur la poitrine, reprenant son souffle avant de crier :
    — Pourquoi ton dieu ne se soucie-t-il
pas de moi ? Sais-tu répondre à cela ? Non… Yhwh t’a parlé. Il t’a
promis, et tu danses et tu ris. Et moi je pleure Et moi je me cache ! Et
moi je suis vide. Oh ! la belle promesse ! Cesse d’entendre le seul
bruit de ta folie, Abram. Cesse de voir ce que personne ne voit et regarde la
vérité : mon ventre est plat. Tu n’as pu le remplir. Ton dieu ne sait pas
plus que toi le remplir. Et Pharaon lui-même n’y est pas parvenu !
    Le rugissement d’Abram fut si féroce
qu’Hagar se précipita, croyant qu’il allait massacrer Saraï. Mais il ne fit que
la pousser, la propulsant contre la toile de la tente. Elle s’y effondra tandis
qu’il s’enfuyait à toutes jambes.

 
La solitude
    Saraï avait perdu Sililli, perdu Loth. Ce
fut comme si elle perdait Abram.
    Elle n’avait plus à son côté qu’Hagar.
Hagar était douce, attentive, serviable. Elle ne pouvait cependant remplacer
Sililli dans le cœur de Saraï. Hagar ne savait rien du passé. Elle ne possédait
aucune mémoire d’Ur et de Sumer. Elle ne pouvait évoquer aucun souvenir des
temps heureux où, toutes les nuits, Abram était dans la couche de Saraï. Ces
temps où Saraï espérait encore que le dieu d’Abram fût capable de miracle. Elle
ne pouvait, comme Sililli, se moquer, morigéner, assener à tout propos sa
vérité cruelle et salutaire.
    Pis encore, Hagar était gorgée de jeunesse.
La vie lui courbait gracieusement les hanches. On la devinait frémissante de
désir, appelant la semence des hommes comme ces fleurs qui s’écartèlent pour
recevoir les frelons. Une seule nuit d’amour et Hagar serait engrossée. Elle
souffrirait la belle douleur de l’enfant à venir. Lorsqu’elle songeait à cela,
Saraï préférait encore être tout à fait seule, sans la présence de sa servante
sous les yeux.
    Ainsi, le seul bien-être, les seuls
plaisirs qui lui restèrent, pendant des lunes et des lunes, furent la solitude
et l’indifférence.
    Il arrivait que, la nuit, des rêves viennent
la hanter. Elle y était femme et presque comblée entre les bras de Pharaon.
Elle se réveillait la bouche amère, le corps douloureux et le désir déjà glacé.
Elle serrait les poings contre sa bouche pour étouffer sa douleur et sa fureur.
Pourquoi ne pouvait-elle pleurer jusqu’à dissoudre son corps comme une statue
de sel

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