Sarah
de mots fleuris, il dit combien il avait
ressenti la présence d’Ishtar grâce à l’invocation de la Sainte Servante du
Sang, combien il se sentait protégé et encouragé, lui qui bientôt irait conduire
les lances des soldats d’Ur contre les envahisseurs des montagnes.
— Et nous tous qui étions présents ce
matin, nous emporterons en souvenir ton courage devant le taureau. Si nous
devions faiblir dans les combats, nous nous rappellerions ta taille entre ses
cornes. Nous aussi, nous mépriserons les pointes de nos ennemis.
Saraï sourit. Kiddin l’orgueilleux, le
sourcilleux, le beau Kiddin, qui lustrait son corps tout autant que son rang,
faisait là un immense effort pour lui plaire et même, à sa manière, se montrer
humble. D’un ton qui contenait plus de distance que d’affection, elle
répondit :
— Bonjour, grand frère. Je suis
heureuse que l’invocation t’ait été bénéfique.
— Elle l’a été, Sainte Servante, sois
en sûre. Kiddin se redressa. Le regard qui parcourut Saraï des pieds à la tête
n’avait plus rien d’humble. Ni de fraternel. C’était plutôt l’un de ces regards
qui hérissaient Sililli. Un regard de jeune fauve, incendié par la beauté de
Saraï et alourdi par le désir.
La main du jeune officier plongea sous sa
cape de cuir. Lorsqu’il la retira, un collier de boules d’or, de cornalines et
d’anneaux d’argent pendait à ses doigts.
— Accepte ce présent. Qu’il puisse
souligner ta beauté, la plus grande que mes yeux aient jamais contemplée.
Le rire de Saraï sonna si fort dans la cour
que les servantes se retournèrent.
— Des mercis, des mots doux, un
collier… Je n’en crois ni mes yeux ni mes oreilles ! Que t’arrive-t-il,
Kiddin ? La perspective du combat te parfumerait-elle le caractère, très
cher frère ?
Les lèvres de Kiddin se retroussèrent,
telles des babines sur des crocs.
— Nous ne sommes plus des
enfants ! Le temps des chamailleries est révolu. Voici maintenant de
nombreuses lunes que tu fais briller le nom de notre père dans ce temple, et je
t’en sais gré. Peut-être ai-je été injuste à ton égard. Qui aurait pu deviner
que la main d’Inanna présidait à tes caprices ? Tu as raison,
cependant : j’ai le devoir d’être humble devant toi. Mes mots et mon
présent sont sincères. Et ma fierté est grande : comme tous dans notre
maison, j’ai appris la nouvelle, Sainte Servante du Sang.
À nouveau, il fléchit le buste avec
respect, la main tendue pour que Saraï saisisse le collier qu’elle n’avait
toujours pas effleuré. Elle se contenta de froncer le sourcil pour demander.
— La nouvelle ?
— Oh !… Tu ne sais pas
encore ? Le fait est que notre père n’en a eu connaissance qu’hier. Notre
Puissant souverain t’a désignée. Tu seras son épouse sacrée dans la Chambre
Sublime au prochain mois des semailles.
La surprise coupa le souffle de Saraï.
Kiddin s’enhardit. Il avança d’un pas, déposa le collier dans les mains de sa
sœur. La voix pleine d’excitation il murmura :
— Ne sois pas étonnée. Nous espérions
ce choix depuis longtemps. Qui peut, mieux que toi, prétendre à cet
honneur ? Il n’est pas de prêtresse dans tous les temples d’Ur, d’Eridou
ou même de Larsa, en qui le sang des épouses ne coule depuis si longtemps. Sept
années ! Sans parler de ta beauté… Jamais Inanna n’a été si présente et si
puissante en une prêtresse. Aujourd’hui que la guerre s’annonce, nulle autre
que toi ne peut mieux remplacer la Dame de la Guerre dans la couche sacrée du
roi.
Saraï voulut dégager ses mains, mais Kiddin
les retint.
— L’honneur que tu fais à notre maison
est immense. Et moi, je n’aspire qu’à devenir ton égal. Lorsque tu te seras
unie à lui, le Puissant Shu-Sin me confiera l’une de ses quatre armées. Je
mériterai cette distinction, moi aussi. Grâce à ta bénédiction de ce matin, dès
mes premiers combats, je me battrai comme un lion. Songe, ma sœur, à ce que
représentera bientôt notre lignage dans Ur ! Toi, la Prêtresse de la
Chambre Sublime, et moi, le Taureau des armées.
— Nous n’en sommes pas là, répliqua
froidement Saraï. Le choix du roi n’est pas encore certain. Méfie-toi des
rumeurs. Dans le temple, les paroles volent plus vite que les mouches !
— Oh ! que non ! Tu peux
être certaine de ce que je te dis. D’ailleurs, je suis ici pour te transmettre
le désir de mon père : il
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