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Sarah

Sarah

Titel: Sarah Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Halter,Marek
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cette cour. Ceux-là la contemplaient avec un respect intense
et craintif.
    Oui, pour eux elle était la chair de la
Déesse de la Guerre ! L’enfant capricieuse, la rebelle qu’il fallait
surveiller avait disparu. Les dieux l’avaient désignée. La tristesse serra sa
gorge. De sa vie, jamais elle ne s’était sentie aussi seule.
    Avec résignation, jusqu’à ce que le soleil
atteigne le zénith, elle fit ce que l’on attendait d’elle. Le temple était
décoré de neuf, des autels de bois précieux y étaient dressés, recouverts de
pétales, prêts à accueillir de nouvelles statues des ancêtres. Elle prononça
les prières et chanta les louanges des défunts, brûla les parfums, reçut des offrandes
et en retourna. Tout cela avec une indifférence machinale qui passa pour le
détachement ordinaire d’une prêtresse habituée à ces cérémonies. De temps à
autre, elle devinait le contentement de son père et de la maisonnée. Elle
s’obligea à y trouver une manière de satisfaction.
    Lorsque enfin le soleil fut au zénith, ils
revinrent dans la grande cour. Les tables et les coussins d’un banquet y
avaient été dressés. La tradition voulait que chacun des membres de la famille
s’installe pour un repas auquel les statues des ancêtres seraient conviées
comme des parents après un long voyage. Tant qu’elles n’auraient pas pris place
parmi les vivants, ne se seraient pas servies en abondance des mets les plus
riches, nul ne serait autorisé à boire ou à toucher la moindre nourriture.
    Chacun s’assit selon son rang. Des
servantes disposèrent un siège pour Saraï au centre d’une petite estrade, entre
Ichbi Sum-Usur et les tantes. Dès qu’elle fut assise, une étrange immobilité
saisit chacun. Personne ne dit mot. La maison se pétrifia comme si elle était
peuplée de statues. Seul le vol des oiseaux, en faisant glisser ici et là des
ombres vives, rappelait que la vie continuait.
    Un frisson parcourut la nuque et les
épaules de Saraï. Ses doigts tremblèrent, elle les referma discrètement sur ses
paumes. Une onde douloureuse, pareille à de la peur, serpenta dans ses reins.
    Ses yeux soudain ne voyaient plus les
visages tendus de ses parents installés aux tables du banquet. Ils voyaient
cette estrade qu’on avait dressée ici même, en un jour lointain. Elle
n’entendait plus le pesant silence de l’attente des ancêtres. Elle entendait le
vacarme des chants des époux. À ses pieds, peut-être à l’endroit où elle était
assise aujourd’hui, elle voyait le bassin d’eau parfumée. Elle se regardait,
nue devant son père et celui qui la voulait pour épouse. Elle crut ressentir à
nouveau sur sa peau le contact de l’eau huileuse tandis qu’elle y pénétrait, le
désespoir au cœur.
    Il y avait si longtemps ! Si longtemps
qu’elle n’avait plus songé à tout cela ! Si longtemps qu’elle ne rêvait
plus d’un mar.Tu qui viendrait l’emporter loin d’Ur par la seule
puissance d’un baiser !
    Un long grincement, pareil à une plainte,
la fit sursauter. La grande porte de la maison s’ouvrait enfin. Portés sur des
palanquins de jonc, peints de frais et resplendissants, les cinq ancêtres
d’Ichbi Sum-Usur apparurent.
    De la taille d’un homme, ils étaient
accroupis sur des coussins pourpres, noir et blanc. Les boucles de leur
perruque se balançaient sur leurs épaules, leurs toges présentaient un plissé
parfait. Leurs visages sévères portaient les rides de l’âge et leurs regards,
d’ivoire et de lapis-lazuli, paraissaient percer l’âme des vivants aussi
sûrement que des flèches. Chacun d’eux tenait d’une main une gerbe dorée d’orge,
de blé ou d’épeautre, de l’autre, une faucille ou des tablettes d’écriture.
    On avait rarement vu statues d’ancêtres si
parfaitement réalisées. Un murmure impressionnant parcourut la cour.
L’immobilité trop longtemps maintenue se brisa telle une gangue. Les mains et
les bras se levèrent, jaillirent avec ferveur les chants d’accueil.
    Ô Pères de nos pères,
    Semence de la terre humide,
    Sperme de nos destins,
    O nos pères bien-aimés…
    Ichbi Sum-Usur et Kiddin se dressèrent, le
visage rouge, le regard étincelant, les mains tendues. Les esclaves
approchèrent les palanquins jusqu’à l’estrade. Ils déposèrent avec précaution
les statues entre les brûle-parfums. Et Saraï, derrière eux, aperçut son visage
et reconnut ses lèvres.
    *
    * *
    Tout se déroula avec une lenteur

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