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Sarah

Sarah

Titel: Sarah Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Halter,Marek
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montagnes où l’herbe
était grasse et abondante.
    — Mon père Terah est devenu le chef de
notre tribu. Une grande tribu : plus de cinq cents tentes… Mais, l’hiver
dernier, la guerre a repris avec les gens de la montagne. Les Gutis se
sont approchés d’Adab. Ils ont pillé les maisons et les entrepôts, volé les
troupeaux. C’est toujours ainsi : qu’une guerre éclate entre les villes et
l’on commence par voler nos bêtes et par violer nos femmes. Nul ne nous vient
en aide. Nous ne sommes pas faits pour la guerre : mon père a décidé de
revenir à Ur.
    À nouveau il eut ce sourire amusé qui lui
plissait les yeux :
    — Les Puissants d’Ur sont très heureux
de notre retour. Ils aiment beaucoup les poteries du mar.Tu Terah, comme
ton père !
    — Elles sont belles. Moi aussi, je les
aime. Abram avala une datte en riant et agita la main comme si ses mots
n’étaient que fumée. Le sourire dansant encore dans ses yeux, il demanda :
    — Et toi, pendant tout ce temps tu es
devenue la plus belle des femmes et pourtant aucun Puissant d’Ur ne t’a prise
pour épouse ?
    Saraï sentit sa gorge s’assécher et le sang
brûler ses joues. Ainsi était Abram. Il la prenait au dépourvu, répondait aux
questions avant qu’on les lui pose et allait droit au but. Elle avait songé aux
phrases qu’elle lui dirait. Maintenant, elles paraissaient toutes empester le
mensonge.
    Les paroles de Sililli résonnèrent dans sa
tête : « Même les mar.Tu veulent des femmes au ventre
plein ! » Le sien était vide, et l’était depuis si longtemps qu’elle
doutait de revoir le sang couler entre ses jambes. Mais pouvait-elle expliquer
à Abram qu’elle avait bu les drogues d’une kassaptu parce qu’elle était
désespérée de n’avoir pas reçu un baiser de lui ? Qu’elle n’était encore
une enfant furieuse et incapable de mesurer la portée de son geste ?
    Elle finit par bafouiller :
    — Non, nul ne peut épouser une
servante d’Ishtar. Le visage d’Abram se glaça. Évitant son regard, en quelques
mots, Saraï lui raconta sa « maladie » peu après leur rencontre,
comment le devin avait compris la signification de son séjour dans les enfers
et l’avait conduite ainsi à devenir une fille du temple.
    Il l’écouta sans ciller tandis qu’elle
expliquait, avec une certaine fierté, comment pendant cinq longues années elle
avait appris le savoir des prêtresses, l’écriture sur les tablettes, les poèmes
et les chants, la danse, la préparation des offrandes et enfin la soumission du
taureau.
    — Le taureau ? s’étonna-t-il. Ce
fut sa seule interruption.
    — Oui, c’est cela, être Sainte
Servante du Sang : c’est saluer le taureau avant que l’on offre son sang à
la Déesse de la Guerre.
    Elle expliqua comment le sang du taureau
qui coulait devant les guerriers partant au combat les protégeait d’une
blessure et de la mort. Les dieux, leur soif étanchée, insufflaient un peu de
leur toute-puissance dans les bras des humains qui leur avaient destiné cette
offrande. Elle omit de dire que la prêtresse était vierge de toutes menstrues,
sèche comme la poussière sous les pieds d’un vainqueur.
    Lorsqu’elle se tut, Abram demeura un moment
pensif. Puis il hocha la tête et demanda :
    — Vous versez le sang du taureau pour
plaire à vos dieux afin qu’ils vous soutiennent ? Et si les guerriers que
vous affrontez font de même ? Comment vos dieux peuvent-ils choisir de
soutenir l’un ou l’autre camp ? Peut-être soutiennent-ils les deux
ennemis, et n’y a-t-il ni vainqueur ni vaincu ? Peut-être ne
soutiennent-ils personne ? Alors seul le plus fort ou le plus rusé
gagne ? Pendant que les dieux digèrent vos offrandes…
    L’ironie était revenue dans sa voix, plus
froide et plus dure. Saraï l’interrompit avec tendresse :
    — Non ! Tu ne comprends
pas : les dieux des Puissants d’Ur ne sont les dieux de personne
d’autre ! Nul autre que nous ne peut les invoquer !
    — Et tu crois, toi, que tes dieux
t’ont emmenée dans les enfers ? Qu’ils t’ont ainsi désignée pour que tu
danses devant les guerriers jusqu’à la mort d’un taureau que mes frères et moi
auront patiemment élevé ?
    Saraï hésita. La sagacité d’Abram
l’impressionnait. De fait, comment croire elle-même à l’affirmation du devin et
des prêtres alors qu’elle savait la vraie cause de sa maladie ? Sililli,
toujours prête à voir la présence des dieux

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