Sarah
âgé, et connu pour ses
qualités de berger. Il déclara :
— Abram, cette nuit nous avons
réfléchi à tes paroles. Et nous avons vu que ni Ea, ni Inanna, ni aucun des
dieux que nous avons craints jusqu’à ce jour ne t’ont châtié. Nous avons
confiance en toi. Si tu l’acceptes, nous te suivrons.
— Mon père dit que ses dieux me
puniront peut-être plus tard, répondit Abram avec émotion. Ne les craignez-vous
pas ? Arpakashad sourit :
— Nous craignons une chose, puis une
autre. Il serait bon de cesser d’avoir peur.
— Ainsi, vous croyez que le Dieu qui
m’a parlé existe ? insista Abram.
— Nous avons confiance en toi, répéta
Arpakashad. Abram jeta un regard vers Saraï. Ses yeux brillaient de fierté.
— Alors venez avec Saraï et Abram. Et
vous serez le commencement de la nation que le Dieu Unique m’a promise.
Quatrième partie
Canaan
Les paroles d’Abram
D’abord ils marchèrent tous les jours, de
l’aube au crépuscule. Ils quittèrent les montagnes d’Harran, rejoignirent les
rives de l’Euphrate qu’ils longèrent en direction du sud comme s’ils revenaient
au royaume d’Akkad et de Sumer.
Pendant trois ou quatre lunes ils
marchèrent ainsi. Les agneaux, les femmes et les enfants se relayaient dans les
chariots. Ils apprirent à confectionner des sandales aux semelles plus
épaisses, mieux cousues, des outres plus grandes et des tuniques plus longues,
capables de protéger de la chaleur des jours aussi bien que du froid des nuits,
plus secs et plus violents. Quand ils parvenaient en vue d’une ville ou du
campement d’une autre tribu, des gens venaient à leur rencontre et les
appelaient les « passeurs », les Hébreux.
Personne ne se plaignit de ces longues et
épuisantes journées. Personne ne demanda à Abram pourquoi il prenait ce chemin
plutôt qu’un autre. Seule Saraï vit l’inquiétude qui parfois saisissait son
époux aux premières heures du jour, avant qu’ils se remettent en marche.
Un matin, Abram sentit peser sur lui le
regard de Saraï. Alors que le soleil n’avait pas encore levé l’ombre de la
nuit, à l’est, il examinait l’horizon, les sourcils froncés, l’anxiété lui
crispant la bouche. Il sourit à Saraï, mais sans que ce sourire lui défronce
les sourcils. Elle vint contre lui. De ses doigts elle lui caressa le front
avant de poser sa paume fraîche sur sa nuque.
— Il ne me parle plus, admit Abram.
Depuis notre départ d’Harran, pas un mot, pas un ordre. Je n’entends plus Sa
voix.
Saraï continua doucement sa caresse. Abram
reprit :
— Je vais là où je crois qu’il faut
aller, vers le pays qu’il m’a promis. Mais si je me trompais ? Si nous
faisions tous ces pas pour rien ?
Saraï ajouta un baiser à sa caresse et
répondit :
— Je te fais confiance. Nous te
faisons confiance. Pourquoi ton dieu ne te ferait-Il pas confiance Lui
aussi ?
Ils n’en reparlèrent plus jamais.
Cependant, quelques jours plus tard, Abram décida de suivre une route en
direction du couchant. Ils laissèrent derrière eux les pâturages gras qui
bordaient l’Euphrate pour pénétrer sur des terres sableuses à l’herbe rêche et
éparse. Arpakashad vint voir Abram et lui demanda de laisser reposer les
troupeaux.
— Nous allons bientôt entrer dans le désert
et nul ne sait combien de temps s’écoulera avant que nous retrouvions des
terres vertes. Il vaut mieux laisser les bêtes engraisser et reprendre des
forces. À nous aussi, un peu de repos fera du bien.
— Es-tu inquiet ? interrogea
Abram.
Arpakashad sourit.
— Non. Nul n’est inquiet, Abram. Ni
impatient. Il n’y a que toi à être soucieux. Nous te suivons. Ta route est la
nôtre. Mais pourquoi se presser puisqu’elle semble devoir être longue ?
Abram rit et déclara qu’Arpakashad avait
raison. Il était temps d’établir un campement pour une lune ou deux.
De ce jour, leur marche redevint celle
qu’elle était lorsque Terah conduisait la tribu. Il leur fallut plus de quatre
saisons pour traverser, d’oasis en oasis, le désert de Tadmor et entrer dans le
pays de Damas, où ils découvrirent des arbres et des fruits inconnus, des
villes qu’ils contournaient avec prudence, ne s’installant que dans les
pâturages les plus pauvres afin de ne pas attirer la colère des habitants.
Chacun s’habitua si bien à cette vie
errante que certains en oublièrent presque qu’elle devait cesser un jour.
Parfois, lors d’une
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