Sarah
trouvant pas, il
cracha de dégoût avant d’agripper l’homme le plus proche en beuglant :
— Tu sais pas, toi, hein ? Tu
sais pas ! Alors, je vais te dire, moi. Ce qu’elle n’a jamais voulu faire
avec Loth, la sœur d’Abram, elle l’a fait avec Pharaon. Et nous voilà tous
riches de l’or que notre Saraï a enfanté par la queue de Pharaon !
On le fit taire en l’assommant. La fête
était finie. Les cœurs devenus lourds, aussi clos que la tente de Saraï.
*
* *
Le lendemain, conduite par Tsout-Phénath,
une nouvelle caravane parvint au campement. Le grand officier de Pharaon
n’apportait ni troupeau ni grain, mais encore trois coffres d’or et d’argent
chargés sur un éléphant dont descendit une femme voilée.
Sans prêter attention aux soldats qui
formaient une barrière de lances autour du camp, le peuple d’Abram se
rassembla. Chacun voulut approcher les coffres que Tsout-Phénath fit ouvrir
devant la grande tente blanc et noir. Au contraire de la veille, il n’y eut ni
cris de joie ni embrassades. Pourtant, de sa vie, nul n’avait vu tant de
richesses.
Tsout-Phénath se campa devant Abram, plein
de morgue :
— Pharaon te laisse une lune pour
préparer tes troupeaux, démonter tes tentes et quitter ses terres. Si toi ou
quelqu’un de ton peuple revient ici, il mourra. Pharaon vous souhaite un bon
retour, à toi et ton épouse. Il espère que vous vous souviendrez longtemps de
lui. Abram eut un mince sourire :
— Tu diras à Pharaon qu’il peut être
assuré que le peuple d’Abram saura se souvenir de lui. Nous avons bonne
mémoire. Que le Dieu Très-Haut le bénisse pour ses bienfaits.
Du pied, il referma les couvercles des
coffres et demanda :
— Qui est cette femme voilée venue
avec toi ? Tsout-Phénath eut un geste désinvolte :
— Le dernier fruit de la bonté de
Pharaon envers ton épouse.
Au même instant, dans la tente de Saraï, la
servante Hagar avait dévoilé son visage et s’inclinait avec respect :
— Pharaon m’a retiré à ma maîtresse et
m’envoie te servir car il ne veut plus rien avoir dans son palais qui puisse
lui rappeler ta présence.
Elle releva le visage avec un sourire
heureux qui ne cessa pas devant la bouche amère de Saraï. Elle lui saisit les
mains, les posa sur son front puis sur sa poitrine, à la manière égyptienne.
— Je devine que ces paroles sont dures
pour toi. Pharaon m’a ordonné de les prononcer dès que je te verrai. C’est
fait, tu peux les oublier. Mon cœur te dit : Sois ma maîtresse et tu me
rendras la plus heureuse des femmes. Tu seras le baume sur la cicatrice de mon
dos et, moi, je te serai fidèle jusqu’à en mourir.
Saraï l’attira à elle avec douceur.
— Sois sans crainte ! Je ne te
demanderai jamais pareil sacrifice. C’est un bonheur que tu deviennes ma
servante, mais tu ne seras pas aussi bien logée que chez Pharaon. Je n’ai pas
de palais ni de piscine à t’offrir, seulement des tentes et de longues journées
de marche.
Hagar eut un rire chantant :
— J’apprendrai à préparer le lait
d’ânesse dans des calebasses ! Et si je n’ai plus de palais autour de moi,
c’est que tu as ouvert la cage où j’étais emprisonnée.
Saraï s’apprêtait à commander à boire et à
manger lorsque des cris attirèrent son attention. Soulevant à demi la portière
de la tente, les deux femmes découvrirent un groupe de jeunes gens gesticulant
où dominait la tête de Loth. Abram, entouré des Anciens, sortit de la tente aux
raies blanches et noires.
D’entre les jeunes gens, un cri
jaillit :
— Loth est ivre mais sa question est
juste. Pourquoi Pharaon nous chasse-t-il alors qu’il offre tant de
richesses ?
La voix d’Abram tonna, sans réplique, assez
puissante pour recouvrir tous les cris :
— Parce que Yhwh l’a visité en rêve.
Un rêve cruel dans lequel Il lui a montré tout le mal qu’il pouvait lui faire,
à lui et à son peuple, s’il ne nous traitait pas bien. Pharaon a eu peur du
Dieu Très-Haut et Lui a obéi. Avec ces richesses qu’il nous donne par la main
de Pharaon, Yhwh nous montre que notre épreuve est achevée. Voilà la vérité, il
n’y en a aucune autre ! Demain, nous démonterons les tentes et reprendrons
le chemin de Canaan, la terre qu’il m’a donnée.
La main d’Hagar enlaça la taille de Saraï
tendrement.
— Ton époux sait parler,
chuchota-t-elle. Je comprends que Pharaon le préfère loin de
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