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Sarah

Sarah

Titel: Sarah Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Halter,Marek
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en main une nouvelle
fois, et il a créé Tphénis, l’humidité du monde. Alors seulement, de Chou et de
Tphénis sont nés Geb, la terre qui porte nos pas, et Nout, le ciel qui porte
nos regards. Et moi, Merikarê, aujourd’hui j’use de ma volonté. Mais c’est pour
choisir où déposer ma semence et engendrer.
    Il sourit. Tout autour, les courtisans
rirent et applaudirent. Toujours souriant, Pharaon leva la main droite pour
réclamer le silence. Il bascula sa main comme une pointe de lance vers Abram.
    — Cependant, tu me plais, Abram. Un
homme dont le dieu ne s’affirme que par la parole ne peut être un barbare. Mon
père, Akhtoès le Troisième, connaissait aussi la puissance des mots. Il a
rédigé pour moi un rouleau d’enseignements, où il est dit : « Sois un
artiste en parole pour atteindre la victoire, la langue est le glaive du roi. La
parole est plus puissante qu’aucune arme et les paroles sont supérieures à tout
combat. »
    Un murmure d’approbation parcourut la
salle. Pharaon revint à son fauteuil. Mais cette fois, au passage, sa main se
referma sur celle de Saraï. Elle tressaillit. Les doigts fins et durs
l’attirèrent près du siège royal avant de la lâcher. La voix de Pharaon
résonna, impérieuse :
    — De la musique, des divertissements
et de la nourriture !
    * *
    Il y eut de la nourriture en quantité
suffisante pour rassasier un peuple entier. Il y eut des chanteuses aux voix
plaintives, aux hanches souples et lascives. Des danseurs aux corps
tourbillonnants, l’échine ployée en roue ou en toupie. Il y eut des magiciens,
jetant au sol des bâtons qui devenaient serpents, faisant voler des araignées
effrayantes, tirant des colombes d’entre les seins des courtisanes, allumant
des feux dans des bassins d’eau pure, ployant des lames de poignard de leur
seul regard.
    Pharaon mangea peu, se divertit
distraitement et parla encore avec Abram. De son dieu, des villes d’Akkad et de
Sumer, des guerres et du pays de Canaan. Mais mangeant, se divertissant et
parlant, il ne quittait guère Saraï des yeux. Il ne lui adressa cependant la
parole que lorsque Abram déclara qu’elle savait écrire à la manière de Sumer.
    D’un ordre bref, il fit apporter de
l’argile fraîche et des calâmes avec lesquels ses scribes écrivaient sur des
feuilles de papyrus. Soigneusement, Saraï y incrusta plusieurs mots, croisant
et recroisant de petits traits coniques. Pharaon pointa la forme d’une étoile.
    — Qu’est-ce que cela signifie ?
    — Le roi-dieu.
    — Et cela ?
    — Shu, la
main.
    — Que dit ta phrase ?
    — « Le roi-dieu aux mains fortes
et douces. »
    Pharaon sourit à peine. Du bout des doigts,
il effleura le relief des mots sur la tablette avant d’en imprimer la marque
au-dessous. Puis ses doigts vinrent glisser sur le dos de la main de Saraï.
Elle perçut la fraîcheur humide de la glaise sur sa peau.
    — Sais-tu danser aussi bien que tu
écris ? demanda Pharaon.
    Saraï hésita. Elle jeta un regard à Abram.
Il tournait la tête, conversant avec un courtisan. Alors sans un mot elle se
leva. Un gong résonna, la musique cessa. Les danseurs suspendirent leur ballet
et se retirèrent pour lui faire place. Les courtisans cessèrent leur brouhaha
pour l’observer. Abram, maintenant, la dévisageait.
    Elle se plaça face à Pharaon, levant les
bras à hauteur des épaules. Doucement ses hanches esquissèrent un premier
balancement. Ses bras s’incurvèrent, une main sous son visage, l’autre dessus.
Ses pieds glissèrent et elle frappa du talon. Elle se décala sur le côté et
frappa encore du pied. Alors les musiciens comprirent. Leurs doigts pincèrent
les cordes des harpes au rythme de ses pas. Les sons d’une flûte et d’un
hautbois s’élevèrent, sinuant telles les hanches de Saraï.
    Elle ferma les yeux. Sans s’en rendre
compte, pour le bonheur de surprendre Pharaon, de capter son intérêt, elle se
grisa de sa propre grâce. Son corps n’avait pas oublié la danse du taureau. Il
se ployait et s’offrait avec la même fascinante suggestion qui autrefois
enflammait le souffle du fauve. Mais aujourd’hui, c’était le cœur de Pharaon
qu’elle embrasait.
    Elle le sut quand elle claqua des mains une
dernière fois, qu’elle s’immobilisa la poitrine haletante et que rien ne bougea
plus dans la salle. Pharaon se leva et s’approcha d’elle. La prunelle de ses
yeux était agrandie, vibrante. Elle crut qu’il allait la toucher,

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