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Septentrion

Septentrion

Titel: Septentrion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Louis Calaferte
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Juste un sexe. Un sexe bien à point. Juste un pénis convenable à introduire en douceur et avec mille précautions après les simagrées d’usage. Et c’est tout. Burlesque et prodigieux. Ensorcelant. L’aspect le plus clair, le plus concis, le plus décisif de la liberté individuelle. Bon pour se suicider tout de suite sous le regard vide de la foule, au beau milieu du trottoir, avec, comme excuse, s’il en fallait une, la prise de conscience subite d’un excès de puissance explosive. Obsédé par ces corps qui m’environnent. La rue vous plonge de force dans une sorte de macrocosme utérin meublé d’ovaires congelés. Baiser. Copuler. Le mot d’or. Le mot de passe. Mot clef de la destinée animale. La femme en saillie. Calcinée en un endroit crucial d’elle-même qu’il faudrait apaiser, guérir. Dans l’attente d’un déclic qu’elle entrevoit, qu’elle souhaite confusément et retarde, exaspérée, comme une délivrance, alors qu’elle est plus que jamais dépendante et soumise. Arrimée. Embrochée. Forée au plus lointain d’elle. Victime obligatoire de cette intromission dont l’homme est le grand prêtre, le sacrificateur. Encore. Aveu de détresse, de peur et de joie de la femme prise, conduite aux frontières de l’agonie. Fais bien attention, chéri. Le sexe et son code verbal. Sa liturgie et ses incantations. Messe noire. Messe primitive. Le couple pathétique. Alliance d’ennemis sournois, l’un des deux désigné pour dévorer l’autre, face à face dans la communion des reins. Leur délire glandulaire et sacré comme une foi fanatique. Chacun officiant pour son propre compte. Avare. Doué de la précision lucide des instincts. Mâle et femelle isolés dans un firmament de chair morte. Divisés, solitaires pour ce périple du plaisir. Je suis dans cet instant d’amour ta nourriture précieuse. J’habite, j’engrosse ton ventre et je vis de ta vie. Je prends ton souffle à la racine de ta gorge. Mon sang va se mêler au tien, mais je t’échappe, protégé, hors d’atteinte de ton appétit de possession. Cloisonné. Hors de portée derrière ce front si simple que rien ne peut trahir. Interroge. Supplie. Menace. Je peux mentir. Je peux mentir à l’infini. Mes yeux, ma voix, les mots, mes larmes mêmes, tout cela ment à l’infini et je t’échappe, libre dans n’importe quelle autre aventure, loin de cette petite fraction de temps terrestre où nous nous débattons, certains de notre don réciproque. Et tu restes là, toi, accrochée à moi de toutes tes forces, rejetée sans le savoir sur une rive nue d’où tu appelles, confiante, rencontrant cet écho de ma voix qui te répond machinalement. Ou peut-être es-tu toi aussi si loin de cette rive que j’imagine, n’appelant qu’une image imprécise de l’homme. Il y a pour nous séparer l’incalculable distance entre nos sexes. Le couple s’empoigne pour s’aimer, se soutire des sanglots, des hoquets, se berce de jérémiades et d’injures excitantes. Le couple s’ignore, se vole, se ment et se déchire. C’est l’amour. Et la femme, vigilante, minutieuse comme une fourmi, compte mentalement les jours, toujours plus ou moins inquiète, toujours plus ou moins incertaine de ses calculs ovariens. Esclave de sa propre réalité. Éternellement responsable. Astreinte, malgré elle, aux pratiques sanitaires, sa pantomime d’après l’amour. Bête à l’entrave. Jonglant avec les éponges, les cuvettes, les bocks à injections, les serviettes et les onguents. Déesse obscure de tout un étrange réseau de faïence froide. De tout un matériel cliquetant. Propre et net. Définitif comme la mort. Penchée sur ce trou qui la laisse béante. Par où la vie entre et sort, expulsée un jour comme une tumeur mauvaise. Attentive et soigneuse pour cette bouche informe comme si, au centre, dissimulé et brillant dans l’embrouillamini de la toison légère, il y avait l’œil de Dieu. Un œil obscène qui cherche l’homme, l’attend, l’attire pour sa plus grande malédiction.
    En bref, voilà la sorte d’idées que j’aime à fricasser dans ma tête et éventuellement à servir chaud sur le papier. Pour le coup, je me sens conforme à moi-même. En pleine harmonie. Dieu m’ait en garde et fasse que j’aie le temps de délivrer mes monstres.
    Foutrement roulée, la petite brune. Pétale de soie en rosée du matin. Lui proposerais volontiers un tour d’autos tamponneuses. M’avez-vous compris, fille-feu du

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