Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Septentrion

Septentrion

Titel: Septentrion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Louis Calaferte
Vom Netzwerk:
ténébreux Empire ? J’en jurerais, au coup d’œil que nous venons d’échanger. Avec quelle arrogance elles soutiennent votre regard. Coït visuel. Devant le sexe, nous sommes faits pour nous comprendre à demi-mots. Préparés, tous, pour une même et unique randonnée. L’autre s’offre en holocauste, chair prise, dévastée. La vérité est quelque part, tapie au fond d’un sexe humide. Il nous faut les explorer tous, par toutes les parties de notre corps, hantés, opprimés, conquérants et coupables. Propre meurtre de soi-même, car au-delà du plaisir il y a l’insaisissable présence de Dieu. Je vous possède, corps étrangers, je m’emplis, je me gave de vous, errant de l’un à l’autre, triste et harassé de foi jusqu’à l’écœurement, embourbé dans cette fange de la jouissance, tout à la fois voleur et dévalisé. Je me gorge de vous, corps tenus captifs sous la lame du sexe. Femme inconnue, de passage, femme éternelle, je me rassasie encore de toi comme au sein de la mère. Une fois encore je déchire et je brûle les parois tendres de ta peau. Tu me portes une nouvelle fois, haletante et meurtrie. Je veux tes pleurs, tes cris, ton visage blafard, creusé, crispé d’amour, et pénétrer au tréfonds de toi, toucher et revenir aux entrailles de la vie, et me planter, enseveli, dans le mystérieux espace de cette conque secrète qui fait que tu es femme, que tu es mon angoisse.
    Je choisis une place ombragée à la terrasse d’où je puisse voir le boulevard en enfilade. Un chatouillement symptomatique du côté de l’estomac m’incite aussitôt à commander un panier de croissants en même temps que le café.
    Jambes allongées, je m’apprête à vivre une de ces minutes de profonde félicité corporelle. Si je ressemble à quelque chose, c’est à mon frère l’elfe. Le climat d’érection y est naturellement pour une bonne part. Après tout, pourquoi pas ? Se sentir complet tel qu’on est. Finition divine, dirait Leibniz le surhomme. Esprit et biroute. Dieu n’en avait pas plus, si tant est qu’il se soit adjugé la première paire. Charité bien ordonnée. Pas de doute, nous sommes tous fils des sept fusions. Consubstantiels. Ce qu’il fallait démontrer. J’ai faim, donc je mange. J’ai soif, je bois. J’ai sommeil, je dors. Le reste à l’avenant au jour le jour. Les ressources de première nécessité ne font défaut à personne au moment opportun. Simple et direct. Logique qui plus est. L’existence qu’a voulue pour nous notre père de l’Éden qui était un vieux renard plein de ruses. La rédemption est sur cette terre. En nous. En moi. L’enfer et le bonheur de même. S’agit de bien piger ça au départ. Artisans de l’ombre ou de la lumière. Suivant le pointillé. Un croissant frais, c’est le bonheur. Un café fort, c’est le bonheur. Un fauteuil qui ne vous taie pas le cul, c’est le bonheur. Voir, entendre, goûter, palper, tenir debout sur ses guibolles, c’est le bonheur. N’est-ce pas, garçon ? – Monsieur ? – Je dis, n’est-ce pas qu’il fait une matinée éblouissante ? À damner un saint. C’est aussi son avis. Et les femmes, donc ! Nous y revoilà. Dire que le globe effervescent n’est jamais qu’une petite boule précaire juchée en équilibre à la jonction des cuisses d’une femme. Le vrai et adorable visage de la femme est en forme d’utérus plein. Face pathétique. Idiote. Bestiale et nue. Brutalement authentique. Ni artifices ni simulacres possibles : on ne maquille pas un con. La femme. Un trou. Rien qu’un trou. Et toute la meute en componction, la bave aux lèvres, l’œil fou, dévotement penchée, méditative et anxieuse, au-dessus de ce cratère rembourré qui l’attire, l’épouvante, subjuguée depuis toujours par les dimensions informulables de cette représentation du vide où elle se suicidera fatalement un jour. Homme magistralement vivant, j’entre et je dépose la fécondation dans le bulbe du monde. Laisse maintenant reposer en toi ce fruit blême le temps qu’il faudra, je t’ai chargée du magistral éveil de la vie. Il est abominablement facile que l’homme ne soit que cela, liquide, au commencement et à la fin. Certes, mon prince, mais quel curieux esprit vous faites ! Ne pouvez-vous vous en tenir au mode d’emploi usuel ? Si fait, si fait, j’y pense. Je ne pense même qu’à cela, le regard vacant sur cette humanité trépidante en état permanent d’hypnose érotique, qui

Weitere Kostenlose Bücher