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Septentrion

Septentrion

Titel: Septentrion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Louis Calaferte
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écarquille son gros œil de cyclope pour ne rien perdre de la parade féerique de son inépuisable troupeau de femmes qui déferlent, pubis en avant dans le fourreau des robes, comme une ahurissante procession païenne. Chorégraphie chamelle maintenue avec soin à la température vitrifiante de l’exaspération. Déroulant au ralenti dans la lumière visqueuse des phantasmes sensoriels le cérémonial de ses images évocatrices et de son ordre caché.
    Autonome comme une toupie céleste, la rue se découpe, se détache d’un décor multiforme, se love, gravite autour des corps, serpent de velours brun. La rue se meut avec une infinie lenteur dans une perpétuelle odeur de sang. Odeur tiède. Riche. Odeur religieuse des menstrues. La rue escalade péniblement tous les étages de l’édifice en folie jusqu’au faîte de la réalité prisonnière dans un indéfinissable réseau hyperélectrique. Long courant de vibrations nerveuses tissées de sexe à sexe par d’imperceptibles filaments reliant à leur insu tous ces corps qui passent, ondulent, se touchent, se provoquent, se refusent, survoltés. Et les cerveaux aiguisés, les cerveaux malades culbutent, suivent, concassés, réduits en pulpe. Tous ces ventres exhibés à la lumière du jour comme de saintes hosties rougeoyantes s’affrontent en silence dans le remous public, rampent, rampent frénétiquement les uns vers les autres, précipités dans leur course extravagante, déployés, charnus, épanouis comme de grandes étoiles de mer. Kaléidoscope. Bataille de termites, bataille reptilienne dans la zone sulfureuse des enfers. Larves cannibales grossies dix mille fois au microscope de la conscience. Grappes ganglionnaires de parasites carnivores qui se chevauchent entre eux, ruent, se piétinent, forniquent obstinément, leurs petits sexes à vif, sanguinolents, brandis comme des armes terrifiantes. Le goût, l’envie du viol sont dans tous les regards. Le crime, le crime fourmille au bout des doigts. Se noue dans les viscères galvanisés. Marcher dans la rue équivaut à pénétrer, centimètre par centimètre, le souterrain détrempé de la schizophrénie aiguë. À feuilleter page à page le livre noir de l’initiation. L’emblème phallique est planté, debout, incisé comme un récif phosphorescent dans l’air magnétisé. Au couchant des nuits translucides s’inscrit sur l’horizon fixe le miroir polaire d’un petit con mouvant, décanté et hermétique, qui scintille gaiement de tous ses feux dans le halo du grand rêve collectif où l’imagination liquéfiée s’égoutte lentement de la moelle épinière. Bouillie spermorale qui baigne les rives de ce continent médullaire. Vingt dieux ! Quel cirque ! Là, à portée de la main ! Pavane des femmes sculpturales qui marchent, splendides et inaccessibles, vont et viennent, impériales, comme sur des avenues aériennes pavées de cristal limpide et de scories en feu. Directement surgies du monde inexploré des méduses. Nymphes stellaires descendues par erreur sur notre terre aride et se déplaçant depuis à des hauteurs insoupçonnées, déjà statufiées vivantes sur les colonnades impeccables de leurs cuisses d’opaline au grain poudreux. Ne laissant derrière elles que la lueur du fluide corrosif de leurs ovaires en effervescence. Triomphales, fruitales, évoluant dans l’aura bleutée de la convoitise sans avoir l’air de remarquer l’orage sexuel qu’elles déchaînent, qu’elles allument par un seul balancement de toute l’opulente, de toute l’admirable masse de leurs hanches chevalines. Insouciantes, elles traversent des haies compactes de fous furieux, maniaques aux regards avides, tenus en laisse d’extrême justesse au bout de leurs instincts domestiqués. Impossible qu’elles ne sentent pas cela ! Cette foudre blanche qui les entoure, l’encens brûlé à chacun de leurs pas. Enchevêtrement fou des désirs à peine dissimulés, obscurs, forcenés, qui zèbrent l’air en tous sens sur leur passage, partent, fusent, les précèdent dans leur marche hiératique comme les signes précurseurs d’une catastrophe latente, sillonnent, grésillent, crépitent, pèlent les nerfs, aiguilles rougies qui viennent se piquer d’elles-mêmes dans chaque millimètre de peau aimantée. Impossible qu’elles ne devinent pas cela ! Ou est-ce cela précisément qu’elles souhaitent, qu’elles recherchent, qu’elles viennent renifler en public, dans la rue, avec leurs beaux

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