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Septentrion

Septentrion

Titel: Septentrion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Louis Calaferte
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voix naturelle qu’elle est attendue à la sortie. Autant s’attaquer aux bonniches le dimanche après-midi dans les dancings pas chers. On est sûr au moins de ne pas être refaits, quitte à les embrocher à deux pas de là, debout contre un mur. Tourneboulées comme elles le sont à l’issue d’un long après-midi de pelotage intensif, elles n’y voient pas de différence. Dans les chiottes du dancing aussi. Pas de temps perdu, vous êtes sur place. Des coups rapides, la fille grimpée sur la cuvette ou calée contre la porte. Une danse en sortant, pour dire d’être poli, et plaquez au moment où elles commencent à s’épancher sur votre épaule. Si vous vous sentez dispos, rien ne vous empêche de recharger les accus pour le soir avec le changement de clientèle. Femmes entre deux âges. Viennent ici dans un but précis. Choisir le mec qui leur en mettra double ration au cours de la nuit. Tomberez toujours sur un bon numéro. Pas de rossignols. Elles en veulent. En les raccompagnant chez elles ou à l’hôtel, vous pouvez d’ores et déjà vous préparer à une rude campagne de sapeur. Ça a fait son chemin pendant qu’elles se trémoussaient. Trempées comme des souches quand vous glissez le premier doigt en signe d’investigation. Lot de filles abracadabrantes et plus déchaînées et hystériques les unes que les autres.
    C’est dans un quartier tout semblable à celui-ci que j’allais régulièrement passer mes soirées du dimanche à une certaine époque, entre les murs d’un dancing deux fois trop petit pour l’affluence, ce qui avait l’avantage d’engendrer une bonne, une grasse promiscuité sous le nuage de tabagie, la chaleur épouvantable, l’exhalaison de la sueur, la camelote qu’on vous filait à boire, le va-et-vient entre la salle et les chiottes qui ne désemplissaient pour ainsi dire pas, l’éclairage restreint au strict minimum, les deux videurs maison, molosses plantés comme des colonnes de viande de chaque côté de la sortie, l’orchestre de quatre musiciens dont l’ami Sicelli à l’accordéon, un relent de je ne sais quoi qui devait partir en décomposition sous les lattes du parquet, les verres ébréchés dégoulinant d’eau au sortir de la plonge, les deux flics venant jeter un coup d’œil sur le pas de la porte de demi-heure en demi-heure et, par-dessus tout, la densité sexuelle qui semblait se dégager comme un halo fumigène de l’amalgame des corps et ruisseler en gouttelettes le long des murs, beurrée, poisseuse. Extraordinaire sensation de folie gazeuse en pénétrant là-dedans. Le four crématoire en transe. Comme si le monde venait subitement de perdre la boule. On dominait l’assistance, l’espace d’un instant, du haut des quelques marches de l’entrée. Le temps de s’habituer à la pénombre, à l’odeur suffocante, la musique frite à vos oreilles, on découvrait alors cet énorme accouplement en liesse, poissons visqueux et tarentules en train d’exécuter au petit hasard les poses sinueuses d’une lente fantasia du sexe. Cauchemar en bouteille.
    Le dancing me faisait chaque fois penser à un aquarium rempli d’ammoniac dans lequel nous aurions été lâchés vivants au bout des pinces de l’entomologiste. Les contorsions de chacun n’étant que les formes de douleur de sa propre agonie. Sur la banquette du fond de la salle, derrière l’estrade où se tenaient les musiciens, une dizaine de couples en mettaient un rude coup, s’assaisonnant dans le grand style, sans la moindre hésitation, avec autant de persévérance que s’ils avaient été seuls tête à tête dans une chambre. Les types y allaient de bon cœur, farfouillant d’une main au fond des corsages tout en écartant du genou les cuisses de la fille qui ne résistait que pour la forme. Les langues à la becquée, voraces.
    Quelle que soit la pouliche que vous ayez amorcée par une danse ou deux, et particulièrement les rétives qui ne consentaient pas tout de suite à vous suivre pour la fin du paragraphe, pas une ne trouvait l’énergie de rechigner après un séjour prolongé sur la banquette.
    Le coin était juste assez clair pour ne pas confondre avec la verge du voisin. Dosé au poil en vue du pinodrome. Il arrivait qu’on se bousculât quelque peu les jours de grande affluence. En toute sympathie, d’ailleurs. Rigolards. Dos à dos avec le couple d’à côté. On était bien là pour la même cause. À se trifouiller comme des mabouls. Adoraient ça,

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