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Septentrion

Septentrion

Titel: Septentrion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Louis Calaferte
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nauseam.
    Tort ou raison, quand la voix de la chanteuse d’orchestre me parvenait, assourdie, par le soupirail de la rue, je redégringolais l’escalier quatre à quatre, comme halé à distance par la modulation vocale, chant fébrile de l’insecte en chasse d’amour. Sachant pertinemment ce que j’allais chercher, ce que je voulais voir et revoir chaque fois, ressentir à tout prix. M’emplir la mémoire et les sens de l’atmosphère adipeuse d’une petite salle bondée en proie à l’envoûtement érotique, flanchant peu à peu, vacillante, esquintée de désir brut devant une femme à demi nue qui se dandinait sur place, esquissait les bourrades de l’amour, elle frissonne, les soubresauts, elle tremble des épaules, ces épaules lisses, satinées de fond de teint ocre chair, les yeux se ferment, sa tête se renverse, cheveux pendants, les seins tendus vers des mains inexistantes qu’ils implorent. Puis elle revenait à elle. Émanant des buées du philtre. Belle. Entièrement belle. Provocante et imprenable. Un sourire d’arrogance effleurant les lèvres. Femme comblée qui affronte la foule en sortant des bras d’un homme. Et la voix roulait, râlait, égrenant à chaque note des guirlandes d’ovules diaprées. Voix de quinine. Élégiaque et sordide. Qui n’émettait rien de plus qu’un long cri roucoulé. Toujours le même. Voix puerpérale, voix scarlatine titubant contre les montants élastiques dans la cuve de la gorge.
    Hébétés comme sous le narcotique puissant, les hommes assistaient à cette autopsie génitale et recevaient le message transmis, les yeux éclairés par les reflets piquants de lumière. Monde fauve à l’affût. Bizarre et cruel. Cérémonie d’initiation. Entre le rire et les larmes. Il aurait suffi d’un incident, qu’une fille pique une crise ou que quelqu’un fonde en sanglots, pour que la tension craque et que le sang se mette à couler. La folie en robe blanche cheminait d’une table à l’autre, doucement exacerbée. Sur les nerfs, moi-même, je ne me lassais pas de contempler. L’obscurité, les gens entassés, debout, autour des tables, devant le bar, contre les murs, au pied de l’estrade. La macération de la chaleur à couper au couteau. Les couples serrés sur leurs chaises, attachés ensemble par les bras et les jambes. Une tête d’homme, une tête de femme, jointes, bêtes étranges, partout, tout autour de cette arène tuméfiée. Un seul projecteur rouge braqué sur l’avant-scène comme une lune d’eau polluée et, au centre de la flaque, la chrysalide femelle dans son fourreau noir pailleté jetant des grappes d’étincelles qui rendaient mouvant chaque relief du corps. Hanches arrondies. Le dos nu. Les cuisses. Le ventre plat. Elle répétait sans cesse les mêmes gestes. Ses deux mains blanches et fines contournant la base des seins, lentement glissées, appliquées, insistantes, jusqu’à ses cuisses qu’elle caressait ensuite longuement comme un homme aurait pu le lui faire avant de l’écarteler sous lui. Les traits empâtés de plaisir. D’un plaisir gras, vulgaire. Presque féroce. Trop évident. Ça passait dans la salle comme un fluide, une décharge de haute tension. À la fin de l’exhibition, d’un seul coup, les types explosaient, tous ensemble, libérés, gueulant, sifflant, intenables, les quolibets obscènes rebondissant autour de l’autre graine de putain qui continuait de saluer sur sa malheureuse estrade, seule, insolente, altière dans ce décor crasseux, face au tumulte qui était son œuvre, qu’elle soutenait, heureuse, belle, dans une attitude de défi, sensuellement agressive, prenant tout son temps pour juger à l’ampleur du tapage de l’effet qu’elle avait produit. À ce moment-là, excités comme ils l’étaient, pas un type dans la salle n’eût refusé de bondir sur l’estrade et d’aller la cuisiner publiquement. Dommage que ce finale n’ait pas été inscrit au programme. Il s’en serait suivi un pugilat monstre où chaque femme aurait eu sa part et plutôt deux fois qu’une.
    Quand les lumières se rallumaient, on éprouvait l’impression malsaine d’avoir assisté à un soliloque ventral et finalement d’avoir été blousé sur tous les tableaux. L’orchestre enchaînait sans délai. Sage précaution, car il suffisait de prendre le pouls de la salle pour se convaincre qu’un temps mort un peu trop prolongé eût inévitablement provoqué le branle-bas.
    Ne restait plus qu’à se

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