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Septentrion

Septentrion

Titel: Septentrion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Louis Calaferte
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qu’il branle, quoi, il s’est fait moine, on ne le voit plus, tu sais, j’ai peint un truc la semaine dernière, ça ne ressemble à rien, je crois que c’est pas mal, faudrait absolument que tu viennes chez moi un de ces jours, il y a longtemps que tu n’as pas vu ce que je fais. Saloperie, il me semble que je peindrais du matin au soir si je n’étais pas obligé de venir ici me crever dans cette boîte. Et toi, tu baises ce soir, quelqu’un en vue ? Faut quand même pas se laisser rouiller les couilles, quoi ! c’est ce que je répète tout le temps. Mais elles sont trop connes, je me suis fait un drôle de mouron avec Janine, Janine, la grande, tu vois qui je veux dire, à me coller comme un emplâtre. Elles me font chier toutes autant qu’elles sont. Allez, à tout à l’heure, le patron va m’engueuler, il faut que j’y aille. Donne un coup d’œil à la brune qui est assise dans le coin, si ça te botte, elle est de première à la pipe…»
    Et effectivement, moins d’une heure plus tard, j’étais adossé au mur d’une des cellules des cabinets, la brune accroupie devant moi, l’organe en bouche.
    Sortant parfois pour respirer et retrouvant sans transition la rue vide et calme, le silence, la nuit, une petite pluie reposante, les fenêtres éteintes, en songeant à tous ces gens endormis depuis longtemps, aux centaines de ménages sans histoire, le couvre-pieds piqué soigneusement étendu sur le lit, le réveil remonté, les savates sur la carpette, l’armoire et ses piles de linge, les vêtements pliés sur une chaise, je me demandais en souriant à quoi rimait ce que nous étions en train de faire, tous, là-bas en bas, dans le fournil surchauffé cacophonant de musique absurde.
    N’eût-il pas mieux valu reprendre le chemin de l’hôtel, les mains dans les poches, humant l’air de la nuit, l’esprit clair, propre, et vivre demain et les jours suivants sur le modèle standard ? Une femme, une maison, un ou deux gosses. Jusqu’au cercueil. Apparemment que Dieu m’a joué un sale tour en me branchant le sexe et la cervelle sur le même accumulateur. Pour moi, il est hors de doute qu’à un moment donné il me faut revenir à mon point de départ, couché à plat ventre sur le corps d’une femme ramassée dans un dancing ou ailleurs, fourrageant entre ses cuisses soulevées, la queue en marche mais le reste absolument détaché, bien las, bien vide, essayant de comprendre comment il se fait que c’est toujours la même chambre de passage, le même lit fatigué, les mêmes gestes et les mêmes mots sans saveur, toujours la même femme, à une couleur de cheveux près, qui se trouve bêtement étalée en travers du lit comme une figurante de fin du monde, s’évertuant à l’amour avec un étranger sans savoir exactement pourquoi. Car, pour elle aussi, les issues sont impraticables. Et le fait de suivre quelqu’un pendant quelques heures dans une chambre, de se dévêtir et de procéder ensemble, pour finir, à un brin de toilette hygiénique devant la glace d’un lavabo d’hôtel n’est qu’une épreuve comme une autre dans le but d’échapper au moins momentanément au sentiment de désolation qui, quelquefois, vous envahit jusqu’à vous submerger. Moyen facile de renier sa réalité frelatée avec un gai désespoir de soi. Même si l’illusion a fait son temps, même si l’on est arrivé chacun de son côté à cette pauvre constatation que le sexe et ses labyrinthes morbides ne conduisent nulle part, ne peuvent élucider quoi que ce soit, parce que, chaque fois, au dernier moment, il y a quelque chose qui vient à manquer et gâche tout. On passe à un doigt – autant dire l’abîme – d’une vérité qui vous eût peut-être permis de voler en éclats, d’être métamorphosé en archange triomphant ou simplement en honnête père de famille assis le soir à la grande table de cuisine au milieu des enfants, distribuant à la ronde le pain terrible de la soumission. Même dans l’éventualité où Christ au visage déchirant vous attendrait personnellement derrière la porte de la chambre dans le couloir de l’hôtel pour vous inviter à pleurer avec lui les larmes douces de la repentance, personne n’y peut rien, c’est sur le thème de l’hallucination sexuelle que fonctionnent l’attirail humain et ses destinées branlantes dans l’enceinte d’une excroissance fiévreuse où il n’est d’autre ressource que tourner en rond sur soi-même. Ad

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