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Septentrion

Septentrion

Titel: Septentrion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Louis Calaferte
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voyez la vie tout de bisangouin, mon jeune blanc-bec ! Un coup de pied au cul ne vous remettrait-il pas les vertèbres en place ? Si vous croyez… J’en ai déjà tant reçu de toute espèce ! Je n’aspire plus qu’à vous les rendre au centuple selon une méthode personnelle actuellement en cours de perfectionnement.
    D’abord, que je me présente : Petit Germe dans l’Œuf. Je suis le passant d’un jour. Sceptique et méprisant. Moi. Et hors moi, rien. Me soucie autant de votre monde de vieilles filles pudibondes et de ce qui peut lui advenir que de la crotte du clébard dans la rigole. Qu’on en revienne au temps des grottes ou que l’on continue de s’escrimer afin de parachever la forteresse fonctionnelle, ce sera toujours troglodytes et compagnie. Après ce monde, un autre, ou sinon le règne des araignées marines. Après le déluge, le déluge, et sous les eaux fétides du déluge, la terre fertilisée, ainsi soit-il ! Laissez-moi roupiller en paix. Je me mettrai à ma fenêtre le jour des funérailles cosmopolites. Pour bien jouir de la vision. Voir passer la dépouille de l’horreur sur son grand chariot, fleuri de vos chers cadavres, enfants, parents et amis. Parions que derrière le convoi mortuaire il se trouvera encore un débris de mutilé pour brandir le drapeau avec le plus grand sérieux. Baraques, bitume, vitrines, bagnoles, tout cela tient debout, il faut en convenir. Même le ciel. Et la lune dans le ciel. Imaginer que je puisse contempler cela de là-haut. Ça donne quoi ? Dans la ville ovipare. Martel. Scrabouille. Bouillie. Papier d’argent. Monnaie fictive. Chambre humide de l’estomac géant en déglutition perpétuelle. Ville burin. Tonnes de fonte. Verreries. Fours à plâtre. L’étincelle allume l’œil aveugle. Glandes cuites. Terre noire. Cobalt. Feu fou furieux des machines-outils. Cuves d’acide. L’étincelle allume un fragment du cerveau malingre. Magnétos. Manganèse. Chair des alliages. Tout bouge. Prend vie. S’anime. S’étire. S’incarne. L’étincelle allume l’âme de la forme statique. Mouvement secret du souffle. Air radioactif. Le sol vibre. Trépigne. Fusées. Cratères. Corps brûlés purulents. Crémation des squelettes. Hommes masqués. Scaphandres de la peur. Carbure. Inquart. Et coliques de plomb. L’étincelle allume un lac de gelée rachidienne. Flaque coagulée. Scorbut. Lupus. Polio. Mâchoires déchaussées. Tout bouge. Crie. Saigne. Se lève. Roule. Sort. Avance. Engrenages mâles et femelles. Acier dur. Limaille. Décapant. Polissoir. Mèches tournantes. Les cheminées rouges pleurent, dégoulinent la suie grasse. Carie noire de la calotte terrestre. Électrolyse. Croix de ferraille. Le monde vêle. Par le sexe de Dieu déboutonné. Un ange de laiton nouveau-né tend sa bouche affamée vers les mamelles taries. Tout bouge. Assassine. Mange. Mastique. Défèque. Bulles jaunes du compost ferment. La ville éventrée tourbillonne au courant de l’éternité. Cadence chétive des chronomètres. Secondes. Minutes. Le temps rétrécit. Solitude. Heures mortes. La dernière étincelle s’est consumée en nous depuis si longtemps déjà. Je remarque en passant la grosse horloge lumineuse de la gare qui calcule des heures astronomiques dans un système périmé. Bien qu’il ne soit jamais que l’heure nauséabonde du retour à soi-même. Il faudrait être fou et ce n’est pas facile. Deux filles assises sur les tabourets d’un bar près de la vitre. Mannequins abandonnés dans le déménagement. Rigides. Les bas. Les genoux comme deux taches blondes sous le rebord de la jupe. Elles se donnent la peine de me balayer du regard. Simple coup de sonde. De retour dans ma chambre je repenserai peut-être à vos nichons cavaliers si hardiment bandés sous le tissu. Peut-on faire le compte de toutes les femmes plus ou moins inconnues pour lesquelles on s’est branlé dans sa vie ? Si on les retrouvait et qu’on le leur dise de sang-froid ! Vous, à cause de votre démarche, vos fesses balancées dans la robe de jersey que vous portiez ce jour-là, vous parce que vous restiez assise les jambes croisées si haut qu’on apercevait la fin du bas tranchant sur la peau blanche de la cuisse, à cause de ce mouvement des lèvres que vous renouveliez chaque fois que je posais les yeux sur vous, à cause de nos corps qui se touchaient sur la plate-forme d’un autobus, à cause de moi et de cette détresse ardente que je porte, enracinée en moi,

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