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Septentrion

Septentrion

Titel: Septentrion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Louis Calaferte
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impressions, avec date et références météorologiques. Les nouveaux venus pourraient se faire une opinion d’ensemble. Ce serait magique et imbécile. Le robinet ouvert à fond. Crisse en s’arrêtant.
    Dimanche, fin d’après-midi. Des foules désœuvrées déambulent encore d’un pas lent en rentrant au bercail. C’est un soir d’été après la pluie. J’attends la femme qui a fait l’amour avec moi. Sont-elles nombreuses dans l’hôtel en train de se laver au même moment ? Et elle, à quoi peut-elle bien songer maintenant, seule devant une glace ? Leur arrive-t-il quelquefois de se demander ce que pense d’elles l’homme qui les attend derrière la porte ? Aucune importance puisque tout a bien marché et que si c’était à recommencer on n’hésiterait pas. Finalement, qu’est-ce que ça peut faire que quelqu’un couche ou ne couche pas avec quelqu’un d’autre ? Tirer son plaisir pendant deux grandes heures, et après ? Incidents épisodiques. On reprendra les choses où on les avait laissées. Tellement simple. En sortant de là, la carapace est intacte. Manque pas une écaille. Et s’il en manque une, c’est tant pis pour vous, fallait vous méfier.
    Le lavabo se vide. Qu’allons-nous faire une fois dehors ? Manger. Je n’y peux rien, j’ai faim. Elle sait que je n’ai pas un sou. Comment s’y prendra-t-elle, en me donnant l’argent ici, ou dans la rue avant d’entrer au restaurant, ou au moment de l’addition, le billet plié dans la main ? Merde, après tout, qu’elle paie, ce n’est pas si dramatique. Sale fric, toujours. Ça me fout mal à l’aise d’avance de faire ça avec elle. Ce que ça suppose. Elle y pensera, forcément. Eh bien, qu’elle y pense ! Il y a plusieurs semaines que je n’ai pas bouffe correctement, c’est ça la réalité. Je le lui ai dit. Les scrupules ne m’ont jamais étouffé de ce côté-là. Elle ou une autre, pourquoi me gêner, qu’est-ce qu’elle a de plus ? C’est peut-être notre bonne mère la Providence qui me l’envoie, justement, aux fins de me remplir l’estomac ce soir. Je prends la dernière cigarette du paquet. La merveille que ce serait si, d’une seule bouffée, on pouvait couper le courant et se propulser dans les étoiles, s’annihiler vraiment en toute connaissance de cause. Et par pitié ne nous faites pas la vacherie de l’âme immortelle – je sors d’en prendre !
    Elle entrechoque des flacons. Signe classique de la fin des préparatifs. Une goutte de parfum derrière l’oreille, si je ne me trompe. La touche ultime de leurs ablutions. Dorénavant tout est dans l’ordre. Je connais la procédure sur le bout des doigts. Elle aurait aussi bien pu se faire remplacer par une autre.
    Elle ouvre la porte. Éteint la lumière derrière elle. Elle reste sans bouger, dans l’encadrement, présentée, offerte. Elle apparaît, elle se plante dans la chambre et je la subis. Elle se révèle, elle est là pour que je la soupèse, immobile, tout investie d’elle-même. Les cheveux noirs coulants, déployés autour de sa tête, sur les épaules découvertes dans la robe à grands ramages qui glisse le long de son corps, pelure de tissu soyeux presque de la couleur de sa peau bronze. Elle est belle. Une expression de gravité impressionnante sur les traits, elle comparaît devant moi, elle se montre, plus dépouillée, plus entière que lorsqu’elle était nue. Elle vient se soumettre, se faire juger, comme si elle n’avait d’autre défense, d’autre langage que cette beauté brute. Elle attend. C’est un tel abandon, une telle offrande de sa présence que cela me trouble, me semble étrange, insensé, fascinant et pur comme la première approche du couple au seuil des noces. Je la porte, je l’encercle dans mon regard. Elle est debout en moi. Grande. Accomplie. Éclose. Je voudrais retarder le moment de brouiller ce silence, cette inertie dont la chambre est empesée. À la vue de cette femme, quelque chose de moi se déchire. Désir effréné de la posséder encore, mais aussi de l’entourer de respect, précieuse, de la célébrer, de n’avoir envers elle que des gestes de ménagement empreints d’une vaste douceur. Elle me regarde venir à elle. Nous avons tous deux une claire conscience de l’attirance qui nous lie. Elle s’appuie au mur. Son visage dans mes mains, je l’approche de mes lèvres, lenteur incisive de la tentation, je me laisse peser sur son corps, nos bouches se frôlent

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