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Septentrion

Septentrion

Titel: Septentrion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Louis Calaferte
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singulier, irritant, à graduer, à mesurer l’un chez l’autre la densité de l’impatience qui se diffuse en nous. Nous tendons, nous vivons cette résistance, nous l’éprouvons de tous nos nerfs, ligament tordu à se rompre. Nous sommes admirablement unis par le même goût effronté du tourment sexuel. Paroxysme immobile de l’excitation qui cesse à son point culminant par un sourire ambigu qu’elle m’adresse comme un signe de soumission impudique.
    Ce que je redoutais se passe simplement. Elle prend l’argent dans son sac, le pose sur la table et me demande d’appeler le garçon. Pas le moindre instant de gêne entre nous. Elle semble n’y accorder aucune importance, et c’est vrai, cela ne compte pas.
    Elle traverse la salle devant moi.
    L’heure sonne dans le vide cellulaire de la nuit. Des coups épars qui se dispersent, noyés. Il est tard. La pendulette grignote à côté de nous sur sa table. Il y a longtemps que le souffle glissant de l’ascenseur ne vrombit plus dans l’hôtel. Sommes-nous les seuls à ne pas dormir ? Allongés. Cadavres frais rassemblés sous un drap de fortune. La chaleur est claustrée dans la chambre. Je suis en sueur. La sueur mouille la racine de ses cheveux sur le pourtour du front. J’y applique mes lèvres. Son odeur de femme que je prends avec la bouche. Sur ma langue. Encore un moment et je m’en irai. M’en aller où ? De l’autre côté du couloir. Sur l’autre lit. M’enfoncer d’un coup dans le sommeil si je le pouvais. Elle est encastrée dans mon bras, nos corps jumelés. Elle ne bouge pas. Elle respire sous ma main qui couvre un de ses seins. Nous sommes en paix, harassés. L’envie enfin extirpée de nous. Nous nous sommes longtemps débattus comme des bêtes furieuses. Sans nous parler. Précis. Acharnés. Haletante jusqu’à la montée des cris qu’elle étouffait contre ma poitrine. Épuisée sous moi. Renaissante sous moi. Attachée des deux mains à mes épaules. Me bouclant en elle. Le visage torturé. Nous persécutant. Le râle crochant le fond de sa poitrine, tremblante. Ses yeux par instants effarés, plantés dans les miens comme si elle m’interrogeait. Sa tête secouée sur l’oreiller, les cheveux humides collés par mèches au travers de la figure. Me rappelant à elle de toute la profondeur de son ventre. Le plaisir affluant en nous, rapide, d’un trait, dans le sang. Nous abolir. Nous tuer. Dévorant nos sexes. La cassure soudaine comme un ressort surtendu qui saute, le corps entier lâchant prise. Nous sommes creux, en repos dans la quiétude d’une ébauche de mort. Belle morte affaissée sur mon épaule.
    C’est ainsi, nus et sages, que nous devrions glisser en terre, enveloppés de ce drap, te tenant dans mon bras. Accouplés. Il est si tard et nous sommes si las qu’il ferait bon mourir. Il n’y a rien à attendre de demain que le sempiternel recommencement de soi. Pourquoi faire ?
    Tu es belle. Ils sauraient si bien se passer de nous.
    Ouvre l’œil le jour suivant vers deux heures de l’après-midi, la gorge serrée comme si j’avais pleuré pendant mon sommeil. Elle avait déjà mis les voiles. Dur à encaisser. N’arrive pas à opérer le rétablissement comme je l’aurais cru. Cette femme s’impose à mon esprit, constamment présente, et tout effort pour l’éloigner s’avère vain au bout de quelques minutes. Je donnerais je ne sais quoi pour la revoir une fois encore, une seule fois, enchâssée dans sa robe, lascive.
    Affalé sur mon lit le restant de la journée. Les images se succédant, s’enchevêtrant. Cet adieu silencieux, le dernier, qu’elle m’avait adressé en me laissant quitter la chambre. Tourniquet à devenir dingo. En pleine gueule de bois sentimentale. Le décor de ma piaule comme un cauchemar réaliste autour de moi. Interminable journée de désarroi. Le cœur empoisonné. Et pour comble, la joyeuse perspective d’être renvoyé de l’hôtel dans les jours prochains. Moi et mon paquetage à la rue. Mais ceci m’apparaissant accessoire. C’est à elle que je pense.
    M’acheminant sans préméditation du côté de chez Wierne. Besoin d’une présence, de quelqu’un à qui parler.
    Je le trouve bossant comme un nègre devant son chevalet, la pipe entre les dents. M’accueille en enfant prodigue. Qu’est-ce que je deviens et comment se fait-il qu’on me voie si rarement, il a donne plusieurs coups de fil à mon hôtel sans parvenir à me joindre ; Brandès lui a dit

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