Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Septentrion

Septentrion

Titel: Septentrion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Louis Calaferte
Vom Netzwerk:
figurine peinte en couleurs sur la vitre. Ça le chagrine visiblement. Contrarié. Qu’est-ce que ça peut lui foutre à lui que les Hindous bouffent mal ? Ce qui vaut d’être vécu en ce monde, c’est ça : la machine. Les petites billes d’acier. Les millions de points fictifs qui se comptabilisent électriquement sur les nichons, sur les cuisses, sur les reins, sur les fesses de la pin-up habilement déshabillée qui domine ce jouet moderne. Une pépée qu’on se taperait volontiers. Bien faite. Rendue sensuelle à souhait. Incarnant le désir. Un bout de jupe sur le haut des cuisses. Juste le zizi recouvert. Astucieux. Point de mire idéal. Symbole de la victoire mâle. Le but, c’est la partie gratuite, soit. Mais en profondeur, c’est la femme. Cette image de la femme. Bien calculés, les éclats de lumière qui pétillent sans cesse autour d’elle. Réminiscences du feu. De la joie. Et au milieu de cette pétarade, une gonzesse prête à se faire fourrer. Une de celles qu’on n’a pas tous les jours l’occasion de s’envoyer, n’est-ce pas, frangins ? Une pièce dans la mécanique. Facile et pas cher. Et avec ça le petit émoi du jeu. Un brin d’aventure. Voilà ce qui fait vivre l’homme ! Ce qui a une signification tangible. Ne dites pas que ce n’est rien. Dans tout ce modernisme dévirilisant où il est impossible d’agir à son compte, c’est une trouvaille de génie. Et le reste, y compris Dieu en soutane savourant son munster, n’est que faribole pour enfançons fossiles. L’aménagement du monde est irréprochable. Tout est en ordre.
    Ô Seigneur si altruiste ! comment te remercierais-je jamais d’une aussi absolue compréhension de tes faibles créatures ? Comment saurais-je jamais te dire mon élan et ma reconnaissance ? Tu as tout, tout prévu. Même la machine à sous.
    Ô Seigneur de mon élévation perpétuelle ! je ne suis que le plus humble parmi les humbles, mais je te conjure d’entendre ma pauvre voix fêlée et de me laisser te prouver ma gratitude en t’offrant une part de ce kugelhof annoncé sur la carte à un prix modique avec un carafon de blanc mi-sec qui nous retapera tous les deux avant d’aller nous mettre au pieu.
    Nous avons encore le temps. Il doit être à peine trois heures du matin. Regardons ensemble, veux-tu, ce couple qui se pelote sans pudeur sur la banquette. Main au cul sous la jupe retroussée. Fille bandante, non ? Ça fait quand même quelque chose de la savoir en train de mouiller si près de soi, à deux pas. De la voir prendre son plaisir. Une femme inconnue. C’est un peu comme si l’on bandait par procuration. Penser qu’elle vous regarde et qu’en même temps elle a son sexe comme une huître ouverte avec les doigts du type qui cabriolent dedans. Sacré culot, ces bonnes femmes ! À l’aise dans l’impudeur. Plus c’est périlleux, plus ça les excite. Elles ont ça dans le sang dès qu’elles sont bonnes baiseuses. Celle-ci, par exemple, qui me balance un sourire de connivence. L’œil louche. Elle sait ce que je pense et ça la touche au vif. Si ça pouvait se faire, elle m’appellerait en renfort. Deux hommes à barboter dedans. Le rêve ! Se doutent-elles qu’on n’oubliera jamais leurs gueules, jamais leurs regards, leurs sourires, le moindre de leurs gestes ? qu’elles resteront ainsi sculptées dans la mémoire d’un ou de plusieurs hommes, sur une banquette de bistrot, dans un cinéma, dans une voiture, dans le métro, dans la rue, partout où elles se font ordinairement malaxer, partout où on les a vues ? Soupçonnent-elles que ce sont des détails d’une extraordinaire puissance émotive qu’il est impossible ensuite de s’arracher du crâne et qu’on repensera à elles bien des fois.
    Cette nuit où j’écris, faisant un bond en arrière, rassemblant mes souvenirs, je les amène toutes d’un coup, volontairement, sous le projecteur central. J’évoque avec précision la vingtaine de femmes que je vis livrées à leur jouissance presque clandestine dans ce bistrot où j’avais pris l’habitude de m’arrêter et de casser la croûte tout seul en sortant de chez ma Hollandaise.
    Je revois leurs bouches flasques de plaisir après maints échanges de patins énormes, les langues achevant de se caresser, pas tout à fait rentrées à la fin du baiser. Les lèvres en pomme d’arrosoir. Ne demandant qu’à sucer quelque chose qui ait forme de pine. Leurs regards bruineux. Foutus. Qui

Weitere Kostenlose Bücher