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Septentrion

Septentrion

Titel: Septentrion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Louis Calaferte
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être écrasé, clic ! entre deux ongles, une goutte de sang puant, une tache minuscule. La vie et la mort du pou. Est-ce la peine de me traîner jusque chez Livonnier ? Un peu d’air frais. Traverse la place. Cafard à me suicider. J’ai la conviction d’une faillite qui vient de loin, enracinée en moi. Si Livonnier ne veut pas me recevoir, j’irai m’asseoir sur le trottoir. Tant pis. Vraiment trop fatigué. Premiers numéros. J’aperçois le panneau de la librairie sur la gauche à moins d’une centaine de mètres, je ne m’étais pas trompé, au 27. Il va falloir m’expliquer. Je marche depuis hier, je n’ai rien dans le ventre, je suis à bout, je viens chez vous parce que j’ai pensé que ça ne vous gênerait pas. 27. Je reconnais la maison. À quoi je ressemble. Je boutonne ma veste, passe mes doigts dans mes cheveux, m’essuie les mains à mon mouchoir.
    Hall d’entrée spacieux, des plantes vertes de chaque côté des marches, une grande glace, je me reluque. Plus décavé encore que je ne l’imaginais. J’arrange ma chemise qui bâille, un lacet qui traîne, le pantalon fripé ; le concierge radine en trombe du fond de sa loge. Le gros sourcil. Rébarbatif. Qu’est-ce que c’est que cet apache qui se détaille dans notre glace ? Sa femme rapplique sur le pas de sa porte et le môme itou. Merdeux de douze ans. Déjà le virus de la conciergerie sur sa petite gueule butée. Comme ça ils sont trois à monter la garde. Le regard en pointe. La clientèle peut dormir tranquille. Le père s’arrête au bord des marches. Campé. Dans son ciboulot de concierge, ça doit délimiter la frontière. Au-delà, bien sûr, c’est chasse gardée. Il m’apostrophe, son béret mou sur le bout du crâne. Qu’est-ce qui m’amène ? D’un ton rugueux. Ô triste con ! Je viens de la part de Gabriel apporter Rédemption et Lumière à toute la race des factionnaires, des sentinelles, des corps de garde, vigiles hargneux et autre engeance férue de zèle, encensez-moi et pouvez-vous me dire si M. Livonnier est chez lui ? Livonnier. Ça l’épate. S’apprivoise. Si j’avais rien que vingt balles à lui refiler pour la volupté de lui voir donner la patte, quitter le béret. L’épouse bignole sort de sa niche. Le marmot suit. M. Livonnier. Troisième à droite. Ça devient poli, cette trinité de domestiques. Un petit pourliche, je les courbe en deux, môme y compris, l’échine cassée, c’est de famille. Je m’encage, fier, dans l’ascenseur, presse le bouton. Ils m’ont remis le sang en mouvement, ces trois furets. La porte à droite. Le voici donc ce havre tant désiré. Un pincement de cœur. Je songe à me débiner sans sonner. L’ascenseur redégringole dans mon dos, immeuble neuf, les bruits résonnent fort, les murs sont lisses, luisants, on dirait du marbre. Je sonne un coup et en même temps je me redresse, la peur atroce que Livonnier me dise non. À l’intérieur, ça ne remue pas, j’ai les mains moites, m’essuie dans mes poches, je tire ma veste. Ils n’ont pas l’air de bouger vite. Dois-je resonner ? Je regarde le bois ciré de la porte, une veine entortillée qui ressemble à un museau de chien vu de profil, un museau de chien ou un énorme bec-de-lièvre monstrueux, ça dépend de l’angle où on est placé. Ils n’ont peut-être pas entendu, je n’ai peut-être pas sonné assez fort, ils doivent manger. Je sonne, j’attends. Ce petit répit m’a redonné confiance, je m’étais fait un monde. Personne ne remue. L’oreille contre la porte, rien, pas un bruit. Même sans se bousculer, ils auraient déjà dû ouvrir. Sonner encore. Une fois par acquit de conscience. Mais j’ai compris. Je sais que non. Il n’y a personne. Livonnier sorti, parti, envolé, et moi, cloche, qui préparais des entrées en matière. Monsieur Livonnier est au restaurant, au ciné, en famille, au bain turc, à Samarcande, à Elseneur avec sa poule. Merde et remerde ! Qu’il pleuve du soufre, de l’ammoniac, que le typhon les ratatine tous, qu’on coupe les roupettes à Jéhovah, mais, pour l’amour du Ciel, qu’il se passe quelque chose ! Et qu’est-ce que je vais faire, moi, maintenant ? Moi, le zéro. Hein ! moi maintenant ? Qu’est-ce que je dois faire, pas me mettre à genoux sur le paillasson et implorer saint Hippolyte ! Rendu. Fourbu. Claqué. Vanné. Au moral comme au physique. Je l’ai pour ma gueule. Ça me fout par terre, me met en loques, je suis essoré,

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