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Sépulcre

Sépulcre

Titel: Sépulcre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Kate Mosse
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l’on s’empressa de la refermer. Léonie entendit les domestiques aller et venir dans la maison pour vérifier que toutes les fenêtres et les volets étaient bien fermés. Par peur que le fin vitrage des fenêtres aux battants très anciens n’explose, on avait tiré tous les rideaux. Dans les couloirs de l’étage, il y eut des bruits de pas et les tintements métalliques de seaux et de cuvettes qu’on transportait. Isolde leur expliqua que le toit fuyait à plusieurs endroits, entre des tuiles disjointes.
    Consignés dans le salon, ils discutaient en buvant un peu de vin et en passant le temps comme ils pouvaient. Anatole attisait le feu et remplissait leurs verres. Isolde demeurait assise, sagement posée, mais la façon dont elle tordait ses longs doigts pâles sur ses genoux démentait son calme apparent. Une fois, Léonie écarta le rideau pour regarder au-dehors. À travers les fentes des volets, elle ne vit pas grand-chose à part les silhouettes des arbres séculaires du parc, dessinées par la lueur des éclairs. Ils se courbaient et s’agitaient comme des chevaux rétifs tirant sur leur licou. On aurait dit que les bois eux-mêmes appelaient à l’aide.
    À 22 heures, Léonie proposa une partie de bésigue. Isolde et elle s’installèrent à la table de jeu. Quant à Anatole, il resta debout à fumer une cigarette, un verre de cognac à la main, le bras appuyé sur le dessus de la cheminée.
    Ils parlaient peu. Chacun feignait de ne pas s’inquiéter de la tempête, mais guettait les subtils changements du vent et de la pluie susceptibles d’indiquer que le pire était passé. Léonie remarqua qu’Isolde était devenue très pâle, comme si la tempête portait en elle une autre menace, dont elle tentait de l’avertir. Au fil de la soirée, les efforts d’Isolde pour garder contenance avaient été de plus en plus visibles. Souvent elle posait les mains sur son ventre, comme si elle était souffrante. Sinon elle triturait machinalement le tissu de ses jupes, écornait les cartes, tirait sur les franges du tapis vert.
    Quand un coup de tonnerre éclata juste au-dessus de leurs têtes, ses yeux gris s’écarquillèrent, et Anatole se précipita vers elle. Avec un pincement de jalousie, Léonie se sentit exclue. C’était comme s’ils avaient oublié sa présence.
    — Nous ne craignons rien, murmura-t-il. Ici, nous sommes en sûreté.
    — D’après M. Baillard, intervint Léonie, une légende locale prétend que c’est le Diable lui-même qui déchaîne les tempêtes quand le monde est sens dessus dessous et que l’ordre naturel des choses est bousculé. Le jardinier m’a raconté la même histoire ce matin. Il m’a dit qu’on avait entendu de la musique sur le lac hier soir et que…
    — Léonie, ça suffit ! la coupa sèchement Anatole. Toutes ces fariboles sur les démons et autres malédictions ne servent qu’à faire peur aux enfants.
    Isolde jeta un autre coup d’œil vers la fenêtre.
    — Quand cela va-t-il finir ? Je n’en puis plus.
    Anatole posa sa main sur son épaule, puis la retira aussitôt, mais pas assez vite pour que le geste ait échappé à Léonie.
    Il a envie de veiller sur elle. De la protéger, se dit-elle.
    Honteuse, elle chassa cette pensée.
    — L’orage va bientôt s’apaiser, insista Anatole. Ce n’est que le vent.
    — Ce n’est pas le vent. Quelque chose de terrible va se produire, murmura Isolde. Je le sens. Comme s’il se rapprochait de nous.
    — Isolde chérie, murmura Anatole.
    — De qui parlez-vous ? s’enquit Léonie, intriguée, mais aucun d’eux ne daigna lui répondre.
    Une autre rafale de vent fit claquer les volets et le ciel craqua à nouveau.
    — Cette vieille et honorable demeure en a vu d’autres, continua Anatole en essayant d’adopter un ton léger. En vérité, je parie qu’elle sera encore debout quand nous serons tous morts et enterrés depuis longtemps. Il n’y a rien à craindre.
    Les yeux gris d’Isolde jetèrent une lueur fiévreuse. Léonie vit que les paroles d’Anatole, loin d’avoir l’effet désiré, avaient ravivé ses craintes au lieu de les apaiser.
    Morts et enterrés.
    L’espace d’un instant, elle crut voir la face grimaçante du démon Asmodée qui la fixait, dans les flammes bondissantes du feu, et elle tressaillit.
    Elle allait confesser la vérité à Anatole, lui dire comment elle avait passé l’après-midi. Ce qu’elle avait vu et entendu. Mais quand elle se tourna vers

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