Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Sépulcre

Sépulcre

Titel: Sépulcre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Kate Mosse
Vom Netzwerk:
voisin de table, Audric Baillard. La littérature ne vous intéresse-t-elle pas ?
    Soulagée, elle se tourna vers lui.
    — J’adore lire. Mais en une telle compagnie, il est difficile de se faire entendre.
    — En effet, reconnut-il en souriant.
    — Et je dois dire qu’en général, les écrivains actuels m’ennuient passablement, continua-t-elle en rougissant un peu. Certes, leurs œuvres ne manquent pas d’idées ni de style, mais il ne s’y passe rien !
    — Ce sont donc les intrigues qui captivent votre imagination ? lui demanda Audric Baillard d’un œil amusé.
    — Mon frère Anatole me dit toujours que j’ai des goûts plutôt médiocres, et il a sûrement raison. Le roman le plus palpitant que j’ai lu, c’est le Château d’Otrante , mais j’adore aussi les histoires de fantômes d’Amelia B. Edwards et toutes les nouvelles d’Edgar Allan Poe.
    — Un incontestable talent, convint Baillard. Un homme tourmenté, mais si doué pour saisir le côté sombre de notre nature humaine, ne trouvez-vous pas ?
    Léonie eut un frisson de plaisir. L’attention de son voisin de table la changeait tant des mornes soirées de Paris où les autres invités l’ignoraient comme si ses opinions ne valaient pas d’être écoutées.
    — Si, je suis bien de votre avis, acquiesça-t-elle. Ma nouvelle préférée, même si elle me donne des cauchemars chaque fois que je la lis, c’est « Le Cœur révélateur ». Un meurtrier qui devient fou à force d’entendre résonner les battements de cœur de l’homme qu’il a tué, et dont il a dissimulé le corps sous les lattes du plancher. Magnifique !
    — La culpabilité est une émotion puissante, remarqua son voisin.
    Intriguée, Léonie attendit en l’observant qu’il développe son idée, mais il n’en dit pas davantage.
    — Puis-je avoir l’audace de vous poser une question, monsieur Baillard ?
    — Bien sûr.
    — Votre tenue est…, commença-t-elle, mais par peur de le vexer, elle s’interrompit.
    Baillard sourit.
    — Peu conventionnelle ? Différente de la tenue de rigueur qu’un monsieur comme il faut se doit de porter à ce genre de soirées ? dit-il avec un regard malicieux.
    — Eh bien oui, reconnut Léonie en soupirant. Mais ce n’est pas tellement cet aspect-là qui m’intéresse. Mon frère m’a dit que vous étiez connu pour toujours porter du jaune. En souvenir de camarades tombés au champ d’honneur.
    Le visage d’Audric Baillard s’assombrit.
    — En effet, dit-il posément.
    — Avez-vous combattu à Sedan ? demanda-t-elle, puis elle hésita. Mon… mon père a combattu pour la Commune. Je ne l’ai pas connu. Il a été déporté et…
    La main d’Audric Baillard vint se poser sur la sienne, légère, et elle sentit le contact de sa peau, fine comme du papier. Léonie ne sut ce qui la submergea à cet instant, seulement qu’une angoisse qui l’habitait et dont elle n’avait jamais été consciente trouvait soudain à s’exprimer.
    — Est-il toujours juste de se battre pour ce en quoi l’on croit, monsieur Baillard ? Même si votre entourage en paie le prix ? Je me le suis souvent demandé.
    — Toujours, répondit-il posément en lui pressant doucement la main. Et aussi se souvenir de ceux qui sont tombés.
    L’espace d’un instant, le brouhaha qui emplissait la pièce s’estompa, les voix, les rires, le cliquetis des verres et des couverts en argent. Léonie regarda Audric Baillard droit dans les yeux et sentit alors que tous ses doutes et ses pensées les plus profondes étaient reçus et compris par la sagesse et l’expérience qui brillaient dans le regard clair de son compagnon.
    Puis il sourit, ses yeux se plissèrent, et le moment d’intimité fut rompu.
    — Les bons-chrétiens, autrement dit les Cathares, furent forcés de porter une croix jaune épinglée sur leurs vêtements pour qu’on les distingue des autres. Je porte ceci en souvenir d’eux, conclut-il en tapotant le mouchoir jaune d’or qui sortait de sa poche.
    — Ainsi vous compatissez à leurs malheurs, monsieur Baillard, dit Léonie en inclinant la tête.
    — Ceux qui sont partis avant nous n’ont pas nécessairement disparu, madomaisèla Vernier. Ils vivent là, ajouta-t-il en se touchant la poitrine, et il sourit. Vous n’avez pas connu votre père, dites-vous, et pourtant il vit en vous. N’est-ce pas ?
    À sa grande surprise, Léonie sentit les larmes lui monter aux yeux. Elle hocha la tête,

Weitere Kostenlose Bücher