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Sépulcre

Sépulcre

Titel: Sépulcre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Kate Mosse
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incapable d’articuler un mot tant elle était émue. Ce fut à certains égards un soulagement quand le Dr Gabignaud lui posa une question et qu’elle fut obligée de répondre.

43.
    Les plats se succédèrent. Des truites à la chair rose et fondante, suivies de côtelettes d’agneau servies sur un lit d’asperges tardives. Aux hommes on servit du Corbières, un vin rouge et corsé, tiré de l’excellente cave de Jules Lascombe. Pour les dames, ce fut un vin blanc demi-sec de Tarascon, moelleux et d’un beau jaune tirant sur le roux, comme de la pelure d’oignons roussie.
    Dans une ambiance surchauffée, on discuta de foi et de politique, du nord et du sud, de la vie à la campagne par opposition à la vie citadine. Léonie observait son frère, assis de l’autre côté de la table. L’œil pétillant, avec ses beaux cheveux d’un noir lustré, Anatole était manifestement dans son élément, et M me  Bousquet ainsi qu’Isolde sous le charme. Par contre, Léonie ne put manquer de remarquer les cernes qu’il avait sous les yeux. La cicatrice qui barrait son arcade sourcilière ressortait particulièrement à la lueur dansante des bougies.
    Pour se remettre de ses émotions, elle but un peu de vin. Peu à peu, la curiosité prit le pas sur la gêne et l’embarras qu’elle avait ressentis de s’être ainsi dévoilée à un homme qu’elle connaissait à peine. Et elle eut au contraire très envie de reprendre cette conversation. Mais M. Baillard était engagé dans un débat ardu avec le curé, Bérenger Saunière. Quant à son autre voisin de table, le Dr Gabignaud, c’était une vraie pipelette. Ce n’est qu’à l’arrivée du dessert que l’occasion se présenta.
    — D’après tante Isolde, vous êtes expert en bien des domaines, monsieur Baillard, lui dit-elle. Les Albigeois, bien sûr, mais aussi la période wisigothique, et les hiéroglyphes égyptiens. Lors de ma première soirée ici, j’ai lu votre opuscule, Diables, Esprits maléfiques et Fantômes de la Montagne. Il y en a un exemplaire ici, dans la bibliothèque.
    Il sourit, et Léonie sentit que lui aussi était content de reprendre leur conversation.
    — J’en ai moi-même fait cadeau à Jules Lascombe, confirma-t-il.
    — Cela a dû vous prendre du temps de rassembler tous ces récits en un seul volume.
    — Pas tant que ça, répondit-il d’un ton léger. Il suffit d’écouter le paysage et les gens qui habitent cette région. Les histoires dont on dit souvent que ce sont des mythes ou des légendes, qui parlent d’esprits, de démons, ou d’animaux fantastiques, dessinent le caractère d’une région au même titre que les rochers, les montagnes et les lacs.
    — Bien sûr, dit-elle. Mais n’y a-t-il pas aussi des mystères qu’on ne saurait expliquer ?
    — Oc, madomaisèla, ieu tanben. Je le crois aussi.
    — Vous parlez occitan ? s’étonna Léonie, les yeux ronds.
    — C’est ma langue maternelle.
    — Vous n’êtes donc pas français ?
    — Non, en vérité, répliqua-t-il avec un petit sourire.
    — Tante Isolde aurait voulu que les domestiques parlent le français dans la maison, mais elle a fini par abandonner.
    — L’occitan est la langue coutumière de ces régions : Aude, Ariège, Corbières, Razès et encore au-delà, en Espagne et au Piémont. C’est elle qui véhicule la poésie, les légendes et le folklore.
    — Vous êtes donc originaire de cette région, monsieur Baillard ?
    — Pas luèn, répondit-il, éludant sa question.
    Alors il pourrait me traduire l’inscription que j’ai lue au-dessus de la porte du sépulcre, se dit Léonie, mais elle se rappela aussitôt les raclements qu’elle avait entendus, semblables aux griffures d’un animal pris au piège, et elle frissonna.
    — Ces histoires d’esprits maléfiques, de fantômes et de démons sont-elles vraies, monsieur Baillard ? demanda-t-elle.
    — Vertat ? répéta-t-il, en soutenant son regard un instant de ses yeux clairs. Qui peut le dire, madomaisèla ? Pour certains, le voile qui sépare les deux dimensions est si transparent qu’il en est presque invisible. Pour d’autres, seules les lois scientifiques doivent nous dicter ce en quoi nous devons croire ou ne pas croire… Pour ma part, je dirais seulement que les dispositions d’esprit changent avec le temps. Ce qu’un siècle tient pour certain, un autre le considérera comme une hérésie.
    — Monsieur Baillard, enchaîna Léonie, quand je lisais

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