Sépulcre
ferai de mon mieux, dit-elle avec un sourire de guingois.
En proie à une grande confusion, elle ne distinguait plus très bien ce qu’ils s’étaient dit des idées tortueuses qui avaient pu lui traverser l’esprit.
— Ben, ben. Bien, reprit M. Baillard. Me voilà rassuré. Toutefois… S’il se trouvait qu’un jour vous ayez besoin de l’intermédiaire des cartes, madomaisèla, alors sachez-le, vous pourrez faire appel à moi. Et je vous aiderai.
Elle acquiesça en hochant la tête, et la pièce se mit encore à valser dangereusement.
— Monsieur Baillard, dit-elle, vous ne m’avez pas dit ce que signifiait la deuxième inscription sur le sol.
— « Fujhi, poudes ; Escapa, non » ?
— Oui, c’est cela.
Elle vit son regard se voiler.
— « Fuir, tu le peux ; mais non t’échapper. »
VI
Rennes-le-Château
Octobre 2007
44.
Mardi 30 octobre 2007
Meredith se réveilla le lendemain matin avec un fort mal de tête, après une nuit agitée. Le vin, le murmure du vent dans les arbres et ses rêves tortueux, tout s’était combiné pour l’empêcher d’atteindre à un sommeil profond.
Elle n’avait pas envie de songer à la nuit écoulée, aux visions qu’elle avait eues, à leur sens caché… Il fallait rester concentrée sur la tâche qu’elle était venue accomplir, ce devait être son unique préoccupation.
Après une douche prolongée, Meredith prit deux comprimés de paracétamol et but une bouteille d’eau. Puis elle s’habilla confortablement d’un jean et d’un pull rouge et descendit prendre un copieux petit déjeuner, qui la remit sur pied : œufs brouillés au bacon, baguette, accompagnés de quatre tasses de café bien noir.
Elle vérifia qu’elle avait dans son sac tout ce dont elle avait besoin, téléphone, appareil photo, carnet, stylo, lunettes de soleil et carte de la région, puis, un peu nerveuse, descendit rejoindre Hal dans le hall. Il y avait la queue à la réception. Un couple d’Espagnols se plaignait du manque de serviettes-éponges dans les chambres, un homme d’affaires français contestait les frais supplémentaires qui figuraient sur sa note et, près de la conciergerie, une montagne de bagages attendait d’être transportée dans la soute d’un autocar de touristes anglais en route pour Andorre. L’employée semblait déjà à bout de nerfs. Il n’y avait pas trace de Hal. Meredith s’y était préparée. À la froide lumière du jour, sans le courage dû à l’alcool, il regrettait sans doute l’élan qui l’avait poussé à lui demander de l’accompagner. En même temps, elle espérait qu’il viendrait. Ce n’était pas grave, vraiment pas, s’il lui avait posé un lapin. Pourtant une angoisse sourde lui nouait l’estomac.
Elle s’occupa en regardant les photographies et les tableaux suspendus aux murs qui entouraient le hall. Les peintures n’avaient rien de très original, c’étaient les habituels paysages de montagnes, de tours dans la brume, de scènes pastorales qu’on trouve dans les hôtels de charme perdus dans la campagne. Les photographies étaient plus intéressantes, on les avait manifestement choisies pour renforcer l’atmosphère fin de siècle du lieu. Des portraits encadrés en tons sépia, brun et gris. Des femmes à l’air grave, à la taille corsetée sur d’amples jupes, les cheveux relevés en chignon. Des hommes barbus et moustachus, prenant fièrement la pose en fixant l’objectif, raides comme des piquets.
Meredith parcourait les photos du regard sans s’attacher à aucune, quand un portrait attira son attention. Il était accroché en retrait, dans le renfoncement sous l’escalier, juste au-dessus du piano qu’elle avait remarqué la veille au soir en passant. Elle crut reconnaître la place de Rennes-les-Bains et avança d’un pas. Au centre de la photo, sur une chaise en fer, était assis un homme à la moustache noire, aux cheveux brun foncé plaqués en arrière, qui tenait son haut-de-forme et sa canne en équilibre sur ses genoux. Derrière lui, sur sa gauche, souriait une belle femme à l’air éthéré, mince et élégante dans une veste sombre bien coupée, une chemise à haut col et une longue jupe. Sa voilette noire était relevée sur des cheveux blonds coiffés artistiquement en chignon. L’une de ses mains gantées de noir reposait, légère, sur l’épaule de son compagnon. De l’autre côté se trouvait une jeune fille portant un chapeau en feutre
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