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Sépulcre

Sépulcre

Titel: Sépulcre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Kate Mosse
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coquettement incliné sur de beaux cheveux bouclés, habillée d’une veste courte et ajustée, avec des boutons de cuivre et une bordure en velours.
    Je l’ai déjà vue, songea-t-elle.
    Meredith plissa les yeux. Le regard franc et hardi de la jeune fille résonnait en elle comme un lointain écho. Une autre photo qu’elle aurait vue ? Ou un tableau ? Elle écarta le lourd tabouret de piano et se pencha pour mieux voir en fouillant dans sa mémoire, sans succès. La jeune fille était d’une beauté frappante, avec ses boucles en cascade, son menton décidé et ses yeux qui regardaient droit dans l’objectif.
    Meredith revint à l’homme assis au milieu. Entre lui et la jeune fille, il y avait un air de famille évident. Les mêmes longs cils, le même regard hardi, le même port de tête. Peut-être étaient-ils frère et sœur ? L’autre femme avait en apparence un caractère moins affirmé. Son teint et ses cheveux clairs, son expression lointaine, un peu détachée, la faisaient paraître sans substance, à côté des autres. Comme si, étant là sans y être, elle appartenait à un autre temps, un autre lieu, et pouvait à tout moment disparaître sans faire de bruit. Telle la Mélisande de Debussy, se dit Meredith, et elle sentit son cœur se serrer.
    Cette même expression, elle la voyait dans les yeux de sa mère quand elle était petite. Le visage de Jeanette était parfois empreint d’une grande gentillesse, et d’autres fois déformé par la colère. Mais les bons jours comme les mauvais, elle gardait ce même air absent. Complètement ailleurs, elle voyait des gens que personne d’autre ne voyait, entendait des paroles que personne d’autre n’entendait.
    Ça suffit ! s’intima-t-elle.
    Décidée à ne pas se laisser happer par son passé, Meredith s’avança et souleva le cadre en bois ébréché en quête d’indications sur la date et le lieu où la photo avait été prise.
    Le papier brun paraffiné se décollait un peu du cadre, mais les mots imprimés sur le verso se lisaient nettement.
    RENNES-LES-BAINS, OCTOBRE 1891, puis le nom de l’atelier, ÉDITIONS BOUSQUET et dessous, trois noms : MADEMOISELLE LÉONIE VERNIER, MONSIEUR ANATOLE VERNIER, MADAME ISOLDE LASCOMBE.
    Meredith sentit un frisson lui picoter la nuque. C’était les noms figurant sur le caveau situé tout au bout du cimetière de Rennes-les-Bains, Famille Lascombe-Bousquet. Et voilà que, sur une photo, ces deux noms étaient à nouveau associés.
    Elle était certaine que les deux personnages les plus jeunes étaient les Vernier frère et sœur, étant donné leur ressemblance physique. Quant à la femme, elle semblait avoir eu une existence moins protégée. Alors, subitement, Meredith comprit où elle avait déjà vu les Vernier. C’était à Paris, au moment de régler l’addition au Petit Chablisien, dans la rue où Debussy avait vécu autrefois, sur une autre photographie accrochée au mur du restaurant : à côté du compositeur au regard morose se trouvaient ce même homme et cette même jeune fille à la beauté frappante ; toutefois, sur ce cliché-là, ils étaient en compagnie d’une femme différente, plus âgée.
    Meredith s’en voulut de ne pas y avoir davantage prêté attention, sur le moment. Un instant, elle envisagea même d’appeler le restaurant pour demander s’ils n’avaient pas des informations sur cette photo exposée bien en évidence sur leur mur, où figurait Debussy. Mais à l’idée d’avoir ce genre de conversation en français par téléphone, elle y renonça.
    Tandis qu’elle contemplait la photo, l’autre lui revint en mémoire et se superposa tel un voile un peu flou et miroitant sur l’image de la jeune fille et du jeune homme qu’elle avait sous les yeux. Un instant elle devina, ou crut deviner, le lien qui unissait les différents éléments qu’elle avait pu percevoir, mais l’instant passa sans qu’elle en retienne rien de précis.
    Meredith réappuya le cadre contre le mur en se disant qu’elle pourrait l’emprunter plus tard. Tandis qu’elle remettait en place le tabouret de piano, elle remarqua que le couvercle de l’instrument était ouvert, à présent. Les touches ivoire étaient un peu jaunies, et leurs bords ébréchés. Un piano quart de queue Bluthner datant de la fin du XIX e siècle, estima-t-elle, et elle enfonça le mi du milieu. La note résonna, claire et forte, si bien que Meredith, embarrassée, regarda autour d’elle. Mais les gens

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