Sépulcre
le côté.
La musique servait de lien à tout l’ensemble. Le passé de sa famille, le tarot Bousquet, les Vernier, la lecture à Paris, la partition pour piano. Elle prit son carnet, feuilleta les pages en remontant jusqu’au nom qu’elle cherchait, celui du cartomancien américain qui avait associé le tarot à la musique. Elle alluma son ordinateur, tapota avec impatience sur la table le temps d’obtenir la connexion. Enfin, la page s’afficha et Meredith tapa PAUL FOSTER CASE. Peu après, une liste de sites apparut.
Elle alla directement sur Wikipedia, un moteur de recherche complet et rapide, Paul Foster Case avait commencé à s’intéresser aux cartes au début du XX e siècle, alors qu’il travaillait comme artiste de music-hall à bord des bateaux à vapeur, jouant du piano et de l’orgue. Trente ans plus tard, il fondait à Los Angeles un organisme destiné à promouvoir son propre système de tarot, les Builders of the Adytum, connu sous le nom de BOTA. L’une des particularités de BOTA, ce fut qu’en diffusant largement sa philosophie Case devint un personnage public, ce qui était contraire aux règles du secret absolu réservé à une élite, en vigueur chez la plupart des sociétés ésotériques de l’époque. Son système était aussi interactif. Contrairement aux autres jeux, les cartes BOTA étaient en noir et blanc, ce qui permettait à chaque individu de les colorier et d’imposer ainsi sur elles sa propre marque. Ce succès avait contribué plus que tout à répandre l’art du tarot à travers les États-Unis.
Une autre innovation de Case fut l’association de notes de musique avec les arcanes majeurs. Tous étaient liés à une note spécifique, à l’exception de la carte XX, Le Soleil, et de la IX, L’Ermite, comme si ces images seules étaient hors du commun et n’obéissaient pas aux mêmes lois.
Meredith regarda l’illustration, un clavier sur lequel des flèches indiquaient les correspondances entre les cartes et les notes. La Tour, Le Jugement et L’Empereur étaient tous associés à la note C (ou do) ; Le Diable était lié avec le A (ou la) ; Les Amants et La Force avec le D (ou ré) ; Le Magicien et Le Fou avec le E (ou mi).
C-A-D-E. Domaine de la Cade.
Elle fixa l’écran d’un œil méfiant, comme s’il tentait de l’abuser.
Rien que des notes blanches, toutes associées aux cartes des arcanes majeurs qui étaient déjà sorties.
Un autre lien lui apparut soudain, dont elle aurait dû se rendre compte depuis longtemps, tant il crevait les yeux. Elle sortit la partition de musique dont elle avait hérité : Sépulcre 1891. Elle connaissait le morceau par cœur, les quarante-cinq mesures, le changement de tempo dans le système du milieu, son style rétro qui évoquait les jardins fin de siècle, les promeneuses en robes blanches, avec en écho Debussy, Satie, Dukas.
Et il était construit autour des notes A, C, D, E.
Un instant, Meredith oublia ce qu’elle était en train de faire, elle s’imagina posant ses doigts sur les touches. Seule la musique existait. A, C, D, E. Elle entendit résonner le dernier arpège et l’accord final, qui s’estompa doucement.
Tout se mettait en place.
Mais qu’est-ce que cela pouvait bien vouloir dire ?
L’instant d’après, avec un brusque saut en arrière, Meredith se revit dans son lycée du Milwaukee, dans la salle de musique de Miss Bridge, répétant encore et encore le même mantra. Un sourire lui vint aux lèvres quand la voix de son professeur résonna dans sa tête. « Une octave est faite de douze tons chromatiques plus un… Le demi-ton et le ton sont les composantes de l’échelle diatonique. Il y a huit tons sur l’échelle diatonique, cinq sur la pentatonique. Les premier, troisième et cinquième tons sur l’échelle diatonique sont les composantes des accords fondamentaux, la formule de la perfection, de la beauté. »
Meredith laissa ses souvenirs affluer et lui servir de guide, cherchant entre musique et mathématiques les connexions, et non pas les coïncidences. Elle tapa FIBONACCI et lança le moteur de recherche. De nouveaux mots apparurent. En 1202, Leonardo Pisano, connu sous le nom de Fibonacci, avait développé une théorie mathématique où les nombres formaient une suite, chacun étant la somme des deux nombres précédents, après deux valeurs initiales.
0, 1, 1, 2, 3, 5, 8, 13, 21, 34, 55, 89, 144, 233, 377.
La relation entre les paires de nombres consécutifs
Weitere Kostenlose Bücher