Sépulcre

relevait, disait-on, du nombre d’or.
    En musique, le principe de Fibonacci était parfois utilisé pour déterminer des accords. Les nombres de Fibonacci apparaissaient aussi dans les structures de la nature, les branchages des arbres, la courbe des vagues, la disposition d’une pomme de pin. Par exemple, les tournesols contenaient toujours quatre-vingt-neuf graines.
    Ça me revient ! songea Meredith.
    Dans son grand poème orchestral, La Mer , Debussy avait flirté avec la suite Fibonacci. C’était l’une des merveilleuses contradictions de Debussy d’être considéré comme un compositeur attaché avant tout à l’humeur et la couleur, alors que certaines de ses œuvres les plus célèbres étaient en fait construites sur des modèles mathématiques. Plus précisément, elles se divisaient en sections qui reflétaient le nombre d’or, souvent organisées d’après les nombres de la suite Fibonacci. Ainsi dans La Mer , le premier mouvement comptait cinquante-cinq mesures, un nombre Fibonacci, et il se découpait en cinq sections de 21, 8, 8, 5 et 13 mesures, autant de nombres appartenant à la suite.
    Meredith se força à ne pas aller trop vite. À mettre de l’ordre dans ses idées.
    Elle retourna sur le site consacré à Paul Foster Case. Trois des quatre notes liées au nom du Domaine, C, A, et E, étaient des chiffres Fibonacci : O pour le Fou, I pour Le Magicien, VIII pour La Force.
    Seule la note D, la carte VI, Les Amants, n’appartenait pas à la suite.
    Cela signifiait-il qu’elle s’était trompée ? Ou que c’était l’exception qui confirmait la règle ?
    Elle y réfléchit en tambourinant sur le bureau. À condition qu’on les considère comme des individus plutôt que comme un couple, Les Amants s’intégraient bien à la suite : Le Mat était le zéro, La Prêtresse la carte II. Or zéro et deux étaient tous deux des chiffres Fibonacci, contrairement au six.
    D’accord, mais…
    Même si ces correspondances étaient valables, quel lien pouvait-il y avoir entre le tarot Bousquet, le Domaine de la Cade et Paul Foster Case ? Les dates ne correspondaient pas.
    Case avait fondé BOTA dans les années 1930, en Amérique qui plus est, pas en Europe. Or le jeu Bousquet datait des années 1890, sans compter les arcanes mineurs, qui étaient sans doute plus anciens. Il ne pouvait en aucune manière s’être appuyé sur le système de Case.
    Et si c’était l’inverse ?
    Meredith poursuivit son raisonnement. Si Case avait entendu parler de l’association du tarot avec la musique, puis l’avait lui-même peaufinée pour créer son propre système ? S’il avait appris l’existence du tarot Bousquet ? Peut-être même du Domaine de la Cade ? Ces idées avaient-elles pu passer non d’Amérique en France, mais de France en Amérique ?
    Elle sortit de son sac à main l’enveloppe chiffonnée et en tira la photo du jeune homme en uniforme. Comment avait-elle pu être aussi aveugle ? Elle avait bien vu que le personnage du Mat était Anatole Vernier, mais sa ressemblance évidente avec son soldat lui avait échappé. Il avait aussi un air de famille avec Léonie. Les longs cils noirs, le haut front, la même façon de regarder droit dans l’objectif.
    Elle revint au portrait. Là, les dates correspondaient. Le garçon en uniforme pouvait être un frère cadet, un cousin. Ou même un fils, qui sait ?
    Et à travers lui, de génération en génération, la lignée vient jusqu’à moi, songea Meredith.
    Ce fut comme si on soulevait un grand poids de sa poitrine. Comme Hal l’avait dit plus tôt, c’était si oppressant, de ne pas savoir. Et ce fardeau s’affaissait, se recroquevillait sur lui-même à mesure qu’elle approchait de la vérité. Aussitôt, la voix de la prudence la mit en garde. Elle devait trouver non ce qu’elle avait envie de voir, mais ce qui existait vraiment. Ne pas prendre ses désirs pour la réalité.
    Vérifie. Il faut maintenant mettre tout ça à l’épreuve des faits, s’intima-t-elle.
    Ses doigts tapèrent le nom Vernier en volant sur les touches, tant son impatience était grande.
    Mais elle ne récolta rien de conséquent et contempla l’écran, incrédule. Il devait bien y avoir quelque chose ?
    Elle réessaya, adjoignant au nom de Vernier ceux de Bousquet et de Rennes-les-Bains. Cette fois, elle obtint quelques sites qui vendaient des jeux de tarot, ainsi qu’un ou deux paragraphes sur le jeu Bousquet, mais rien de plus que ce qu’elle