Sépulcre
n’avait pas veillé au grain, nous en serions restés là sans pousser plus loin, reconnut Thouron.
— Continuez, dit Bouchou, que ce récit tenait manifestement en haleine.
— Quatre semaines après le crime, vous comprendrez qu’il m’était impossible vis-à-vis de mes supérieurs de maintenir une surveillance constante de l’appartement.
— Évidemment, acquiesça Bouchou.
— Fort heureusement, l’un de mes officiers, Gaston Leblanc, un petit gars futé, s’était disons… lié d’amitié avec une soubrette attachée à la famille Debussy. Or ces Debussy habitent justement l’étage en dessous de chez les Vernier, rue de Berlin. Ladite soubrette a rapporté à Leblanc qu’elle avait vu un individu donner de l’argent de la main à la main au concierge et que celui-ci lui avait en retour tendu une enveloppe.
— Et le concierge a-t-il reconnu les faits ? s’enquit Bouchou en s’accoudant.
— Oui, confirma Thouron. Au début, il a nié, comme c’est d’usage dans la profession. Mais quand on l’a menacé de le mettre au trou, il a fini par admettre qu’il avait été payé, et grassement, pour transmettre toute correspondance adressée chez les Vernier.
— Payé par qui ?
Thouron haussa les épaules.
— Il a prétendu ne pas le savoir. D’après lui, les transactions se faisaient toujours par l’intermédiaire d’un sous-fifre. Il nous a quand même livré un détail intéressant, ajouta Thouron en vidant son verre. Il n’a rien voulu affirmer, mais selon lui, l’écriture figurant sur l’enveloppe ressemblait fort à celle d’Anatole Vernier. Et le cachet de la poste indiquait que la lettre venait de l’Aude.
— D’où votre présence ici.
— C’est plutôt léger, je l’admets, remarqua Thouron en faisant la grimace. Mais c’est la seule piste dont nous disposons.
Bouchou leva la main pour commander une autre tournée.
— La liaison de M me Vernier avec ce général rend toute cette affaire très délicate, je présume, dit-il à son collègue.
Thouron approuva d’un hochement de tête.
— Le général Du Pont jouit d’une grande influence. Il n’est pas soupçonné du crime, mais…
— Vous en êtes certain ? l’interrompit Bouchou. Ne serait-ce pas plutôt que votre préfet n’a guère envie de se trouver mêlé à quelque scandale retentissant ?
Pour la première fois, Thouron se permit un sourire qui le rajeunit, et il parut moins que ses quarante ans.
— Certes mes supérieurs auraient été… disons, contrariés, de devoir traîner Du Pont devant les tribunaux, concéda-t-il. Fort heureusement, beaucoup de facteurs plaident en la faveur du général et permettent de le disculper. Cependant il s’inquiète de cette ombre qui plane sur lui. Il croit, à juste titre, que tant que l’assassin n’aura pas été pris et traduit en justice, des rumeurs circuleront, qui terniront sa réputation.
Tout ouïe, Bouchou écouta Thouron lui exposer les raisons qui l’inclinaient à croire en l’innocence de Du Pont, le tuyau anonyme, le fait que l’heure de la mort estimée par le médecin légiste était bien antérieure à celle à laquelle on avait découvert le corps et qu’à ce moment-là, Du Pont assistait à un concert où il avait été vu, enfin, le mystérieux personnage qui avait soudoyé le concierge.
— Un rival amoureux ? suggéra Bouchou.
— J’avoue y avoir pensé, admit Thouron. Il y avait deux coupes de champagne, mais également un verre de cognac brisé dans le foyer de la cheminée. Et si des indices prouvent que l’appartement des Vernier a été fouillé, les domestiques affirment que la seule chose qui a été dérobée, c’est une photo de famille encadrée qui était posée sur le buffet.
Thouron sortit une photo similaire, qui avait été prise durant la même séance de pose au studio parisien. Bouchou la contempla sans faire de commentaires.
— Je me rends bien compte que même si les Vernier ont séjourné dans l’Aude, poursuivit Thouron, ils peuvent ne plus s’y trouver à l’heure actuelle. Par ailleurs la région est vaste. S’ils sont ici, à Carcassonne, ou dans une maison de campagne des environs, nous aurons sans doute du mal à obtenir des informations sur leurs allées et venues.
— Avez-vous des doubles de cette photo ?
Thouron hocha la tête.
— Alors pour commencer, je vais lancer une recherche dans les hôtels et pensions de famille de Carcassonne,
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