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Sépulcre

Sépulcre

Titel: Sépulcre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Kate Mosse
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faisait la toilette des morts.
    M me  de Saint-Loup était accompagnée d’un petit garçon qui portait un sac en coton deux fois grand comme lui. Quand Léonie, revenant à elle-même, tenta de discuter de ses gages, elle fut informée que ceux-ci avaient déjà été réglés par son voisin, M. Baillard. La générosité de son ami fit monter les larmes aux yeux de Léonie.
    Les corps furent exposés dans la salle à manger. Léonie regarda, incrédule, M me  de Saint-Loup remplir un bol en porcelaine de l’eau d’une bouteille qu’elle avait apportée.
    — De l’eau bénite, madomaisèla, marmonna-t-elle en réponse à la question muette de Léonie.
    Elle y trempa un brin de buis, puis alluma deux cierges et récita la prière des morts. Le garçonnet inclina la tête.
    —  Peyre Sant, reçois ton serviteur…
    Bercée par ces paroles, Léonie n’éprouvait rien. Aucun moment de grâce, aucune sensation de paix, aucune lumière ne pénétrait son âme pour la ramener dans le cercle des croyants. Les prières de la vieille femme ne recelaient aucune consolation, aucune poésie : elles n’étaient que l’écho d’une perte incommensurable.
    M me  de Saint-Loup se tut et fit signe au garçonnet de prendre dans son sac une paire de grands ciseaux, puis se mit à découper les vêtements d’Anatole. L’étoffe était raide de sang et de boue ; le processus fut long et ardu.
    — Madomaisèla ?
    Elle remit à Léonie deux enveloppes trouvées dans les poches d’Anatole. La première, frappée d’armoiries noires et argent, était de Constant. La seconde, portant un cachet de poste de Paris, n’était pas ouverte. Toutes deux étaient bordées d’un liseré de sang couleur rouille.
    Léonie ouvrit la seconde lettre. C’était une notification officielle de la gendarmerie du 8 e arrondissement, annonçant à Anatole le meurtre de sa mère dans la nuit du dimanche 20 septembre. L’auteur n’avait pas encore été appréhendé. La lettre était signée par un certain inspecteur Thouron ; on l’avait fait suivre d’une adresse à l’autre jusqu’à ce qu’elle parvienne à Anatole à Rennes-les-Bains.
    La lettre lui demandait de se manifester dès que possible.
    Léonie froissa la feuille dans son poing glacé. Elle n’avait pas douté un instant de la véracité des paroles cruelles que Constant lui avait lancées dans la clairière une heure auparavant, mais ce n’était que maintenant, face à ces mots officiels écrits noir sur blanc, qu’elle en saisissait le sens. Sa mère était morte depuis plus d’un mois.
    Le cœur endeuillé de Léonie se tordit à l’idée que sa mère n’ait été ni pleurée, ni réclamée par les siens. Anatole parti, cette responsabilité lui incombait. Qui d’autre pourrait s’en charger ?
    M me  de Saint-Loup se mit à laver le corps, essuyant le visage et les mains d’Anatole si tendrement que cela bouleversa Léonie. Elle sortit enfin plusieurs draps en lin, jaunis et balafrés de reprises au fil noir, comme s’ils avaient déjà servi plusieurs fois.
    Léonie ne put supporter plus longtemps ce spectacle.
    — Prévenez-moi quand l’abbé Saunière arrivera, dit-elle en quittant la pièce pour laisser la femme s’acquitter de la tâche sinistre qui consistait à coudre le linceul d’Anatole.
    Lentement, comme si ses jambes étaient lestées de plomb, Léonie gravit l’escalier pour se diriger vers la chambre d’Isolde. Marieta veillait au chevet de sa maîtresse. Un médecin que Léonie ne reconnut pas, coiffé d’un haut-de-forme noir et vêtu d’un habit à col cassé, était arrivé du village, accompagné d’une infirmière très digne en tablier blanc amidonné. Tous deux, qui travaillaient à la station thermale, avaient également été engagés par M. Baillard.
    Quand Léonie entra dans la chambre, le docteur administrait un sédatif à Isolde. L’infirmière avait remonté sa manche : il piquait son bras mince d’une grosse aiguille argentée.
    — Comment va-t-elle ? chuchota Léonie à Marieta.
    La bonne secoua la tête.
    — Elle se bat pour rester avec nous, madomaisèla.
    Léonie s’approcha du lit. Même à ses yeux de profane, il semblait évident qu’Isolde, consumée par une fièvre féroce, oscillait entre la vie et la mort. Elle s’assit à son chevet et lui prit la main. Les draps furent bientôt trempés : on les changea. L’infirmière posait des serviettes imprégnées d’eau froide sur son front

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