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Sépulcre

Sépulcre

Titel: Sépulcre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Kate Mosse
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toutes sortes d’anecdotes remontant aux guerres de religion sur des démons, mauvais esprits et autres fantômes associés à cette région, semble-t-il, et à ce domaine en particulier.
    Il lui fit un petit sourire en coin.
    — Et que me vaut cette charmante attention ? s’enquit Léonie, soudain méfiante.
    — Voyons Léonie, c’est tout naturel, venant d’un frère affectionné, non ?
    — Venant de toi, sûrement pas.
    — Très bien, lança-t-il en levant les deux mains, je le confesse. Je me suis dit que cela t’occuperait et que, pendant ce temps, tu ne ferais pas de bourdes comme à ton habitude.
    Léonie lui jeta un oreiller et Anatole plongea la tête pour l’éviter.
    — Raté. Ouh que c’est mal visé ! dit-il en riant.
    Ramassant d’un geste son étui à cigarettes et sa boîte d’allumettes, il se leva d’un bond et, en quelques pas, fut à la porte.
    — Tu me diras comment tu t’en sors avec M. Baillard. J’ai envie d’accepter l’invitation d’Isolde nous proposant de la rejoindre pour prendre un verre plus tard au salon. Ça te dit ?
    — Tu ne trouves pas étrange qu’il n’y ait pas de dîner ce soir ?
    — Pourquoi, tu as faim ?
    — Non, je n’ai pas faim, mais quand même…
    — Chut ! fit-il en mettant un doigt sur ses lèvres, et il ouvrit la porte. Ne cherche pas toujours midi à quatorze heures, sœurette. Et commence ta lecture. Je compte sur toi pour m’en faire un rapport complet tout à l’heure.
    Léonie l’écouta s’éloigner en sifflotant, le bruit de ses bottes s’atténuant à mesure qu’il remontait le couloir pour regagner sa chambre.
    Elle entendit une autre porte se fermer. Alors la paix redescendit sur la maison.
    Léonie ramassa l’oreiller, grimpa sur le lit et, s’installant confortablement, les genoux remontés, elle ouvrit le livre.
    Sur le dessus de la cheminée, la pendule sonna la demie.

26.
    Paris
     
    Les rues et boulevards des quartiers chics étaient enveloppés d’une épaisse pénombre crépusculaire, une chape d’un brun sale qui étouffait aussi les bas quartiers et leur réseau tortueux de ruelles, d’impasses et de taudis.
    La température descendait en chute libre.
    Immeubles, passants, tramways et voitures surgissaient de cette brume opaque pour y être à nouveau engloutis, et tout cela donnait à Paris une allure de ville-fantôme. Les bourrasques faisaient claquer les auvents des cafés de la rue d’Amsterdam qui tiraient sur leurs cordes comme des chevaux sur leurs licous cherchant à se libérer. Les arbres des Grands Boulevards étaient secoués comme jamais.
    Les feuilles rasaient les trottoirs, dansaient, tourbillonnaient dans le ciel du 9 e arrondissement et au-dessus des allées du parc Monceau. Pas de marelle ni de jeux de chat ; les enfants étaient restés bien au chaud dans l’enceinte des ambassades. Le vent s’amusait à faire chanter les nouveaux fils télégraphiques de la Poste et siffler les rails des tramways, produisant une étrange musique vibrante, chuintante.
    À 19 h 30, la brume céda le pas à la pluie qui se mit à tomber, froide et grise comme de la limaille de fer, éparse d’abord, puis de plus en plus drue. Les domestiques s’empressèrent de fermer les volets des appartements et des maisons avec force claquements. Dans le 8 e arrondissement, les passants égarés cherchèrent à s’abriter de la tempête qui menaçait en s’engouffrant dans les cafés. Au Weber, rue Royale, on commanda des bières et de l’absinthe tout en se disputant les rares tables restées libres. Quant aux mendiants et chiffonniers sans domicile, ils allèrent chercher refuge sous les ponts et les arches des voies ferrées.
    Dans son appartement de la rue de Berlin, Marguerite gisait sur la chaise longue, un bras blanc replié sous sa tête, l’autre jeté par-dessus le bord du divan. Sa main pendante dont les doigts frôlaient le tapis rappelait la pose alanguie d’une jeune fille rêvant sur une barque, au fil de l’eau. Une belle endormie, aurait-on dit, s’il n’y avait eu ses lèvres bleuâtres, l’hématome violacé qui lui couvrait le menton, et l’hideux bracelet de sang coagulé qui ceignait son poignet meurtri.
    Comme Tosca, Emma Bovary ou Carmen, l’héroïne maudite de Prosper Mérimée, Marguerite était belle dans la mort. Le couteau ensanglanté reposait près de sa main, comme s’il était tombé de ses doigts, après l’agonie.
    Pour Victor Constant, elle avait

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