Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Sépulcre

Sépulcre

Titel: Sépulcre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Kate Mosse
Vom Netzwerk:
dernière image qu’il emportait dans son sommeil.
    Courant janvier, Constant entama sa campagne de persécutions. Il commença par Vernier, bien décidé à détruire sa réputation. Sa tactique était simple. Des ragots chuchotés à l’oreille de journalistes véreux. Des lettres falsifiées, passées de main en main. De sales rumeurs, injectées dans les réseaux labyrinthiques des cercles clandestins d’initiés, d’adeptes et de mesméristes qui grouillaient sous la respectable façade de Paris et cultivaient tous la crainte et la suspicion. Entrefilets abjects, lettres anonymes diffamantes parues dans les journaux, calomnies susurrées, toutes armes dont l’art est de forger des mensonges en les rendant plausibles.
    Mais sa croisade contre Vernier, pourtant bien menée, ne donnait aucun répit à Constant, dont les nuits et les jours étaient toujours hantés de visions des amants enlacés. La progression implacable de sa maladie lui volait aussi son sommeil. Quand il fermait les yeux, des images funestes l’assaillaient : il se voyait cloué sur une croix, flagellé, gisant tel un Sisyphe ou un Prométhée moderne écrasé sous son rocher, tandis qu’accroupie sur sa poitrine, elle lui arrachait le foie.
    En mars, il y eut un dénouement. Elle mourut, et sa mort fut pour Constant comme une libération. Posté en retrait, il assista à son enterrement au cimetière Montmartre, avec l’impression qu’on lui ôtait un peu de son fardeau. Ensuite, il avait vu avec délectation la vie de Vernier s’effondrer sous le poids du chagrin.
    Durant la belle saison, Constant avait connu une paix relative. Mais en septembre, un commentaire entendu par hasard, une blondeur entrevue sous un chapeau bleu sur le boulevard Haussmann, des murmures circulant à Montmartre sur un cercueil vide enterré six mois plus tôt l’inquiétèrent, et Constant finit par envoyer deux hommes interroger Vernier, la nuit des émeutes du palais Garnier. Peine perdue, car ils avaient été interrompus avant d’avoir pu apprendre quoi que ce soit.
    Constant feuilleta encore le journal et parvint à la date du 16 septembre. La page était blanche. Vernier n’avait pas mentionné les émeutes à l’Opéra, ni l’attaque qu’il avait subie dans le passage des Panoramas. Ses dernières notes écrites dataient de deux jours auparavant. Constant tourna la page et relut le seul mot inscrit en grosses lettres d’une main assurée.
    « FIN. »
    Une rage froide l’envahit. Les trois lettres semblaient danser devant ses yeux, se moquer de lui. Après tout ce qu’il avait enduré, découvrir qu’on l’avait encore berné aiguisait le fil de son amertume. Avec le recul, il lui semblait fou d’avoir pu penser que déshonorer Vernier suffirait à lui apporter la paix. Constant savait à présent ce qui lui restait à faire.
    Il les traquerait. Et puis il les tuerait.
    Son valet posa un verre de cognac à portée de sa main.
    — Le général Du Pont peut arriver d’un moment à l’autre…, murmura-t-il, puis il alla se poster à la fenêtre.
    Revenant au présent, Constant saisit la feuille de papier brun où le carnet était enveloppé. La présence de ce journal dans l’appartement le déconcertait. Pourquoi Vernier l’avait-il laissé, s’il n’avait pas l’intention de revenir ? Parce qu’il était parti en toute hâte ? Ou parce qu’il ne pensait pas s’absenter longtemps de Paris ?
    Constant avala le cognac d’un trait, puis il lança le verre dans le foyer de la cheminée. Quand il explosa, le serviteur tressaillit et, un instant, l’air sembla vibrer de la violence du geste.
    Constant se leva, prit soin de replacer la chaise. Puis il se dirigea vers la cheminée, ouvrit la vitre bombée qui protégeait la pendule de Sèvres et avança les aiguilles jusqu’à 8 heures et demie. Alors il frappa le dos de la pendule contre l’entourage en marbre jusqu’à ce que le mécanisme s’arrête. S’accroupissant, il posa ensuite la pendule face contre terre, parmi les débris de verre brisé.
    — Ouvre le champagne et va chercher deux coupes, ordonna-t-il.
    Le valet s’exécuta. Constant alla jusqu’au divan, il saisit Marguerite par les cheveux et prit sa tête dans ses bras. Autour d’elle flottait l’odeur de sang un peu âcre et métallique qu’on trouve dans les abattoirs. Les coussins pâles étaient souillés d’écarlate et une tache de sang s’épanouissait sur la poitrine de la morte, telle une

Weitere Kostenlose Bücher