Serge Fiori : s'enlever du chemin

s’ouvre à elle et la discussion s’enflamme au point
où les deux seront sous le choc d’un coup de foudre amical.
    Ils sont tellement branchés spirituellement que la jour
née se termine avec un souper au restaurant, où Normand
Brathwaite, le conjoint de Marie-Claude, les rejoint. Ce
soir-là, la femme réalise que Fiori risque de faire partie de
sa vie très longtemps   : «   Serge a dû être mon frère, quelque
part. Dès que nous avons connecté, nous sommes devenus des confidents. Serge est tellement brillant, intéressant, vite, drôle et profond   ; tous les sujets sont abordés de
façon ouverte avec lui. On a commencé à se voir et ça n’a
jamais cessé.   »
    Normand aussi a un coup de cœur pour Serge. Bien que fan d’Harmonium dans ses jeunes années, il appréhende
un peu ce repas   ; la rencontre de deux hommes timides
comme Serge et lui peut facilement engendrer un malaise
si la chimie entre eux n’opère pas. «   Serge était aussi gêné
que moi de cette rencontre. Pour nous, les comédiens, les stars de la musique, c’est très impressionnant. Tout autant
que notre monde fascine les musiciens. Serge m’attendait
dans la rue, devant le restaurant, comme un petit garçon.
Et ça a tout de suite cliqué. Ce qui est rare pour moi. Je ne
suis généralement pas à l’aise avec les hommes. Il n’y a que
deux gars avec qui je peux passer toute une soirée   : Marc
Labrèche et Serge Fiori.
    «   Pour moi, Harmonium était un groupe exceptionnel.
J’ai joué tous les albums de ce groupe et je pourrais les rejouer à l’envers comme à l’endroit. Particulièrement l’heptade . J’avais été un fan de Valiquette avant, quand il était
avec le groupe Someone, j’avais aimé le guitariste, puis le
chanteur. J’avais aimé Beau Dommage aussi, tous les Québécois aiment Beau Dommage. Mais quand Harmonium
est arrivé, c’était quelque chose d’autre. C’était le premier
groupe québécois à jouer de la musique rock progressive.
Ils me rappelaient un peu Genesis.
    «   Mais mon tout premier contact avec Fiori remonte aux
années ou j’étudiais à l’école de théâtre de Sainte-Thérèse.
Pour gagner ma vie, je travaillais parfois au théâtre. Un soir,
Harmonium présentait l’heptade . J’étais content de devoir
apporter des bouteilles d’eau dans la loge du groupe. J’allais pouvoir rencontrer Serge Fiori. Il y a deux choses dont
je me souviens   : la première, c’était que j’avais entrevu Monique Fauteux. À cette époque, je rêvais d’épouser Monique. Tout le monde tripait sur elle. Sa voix, sa beauté, son
côté gêné. La deuxième chose dont je me souviens, c’est
d’avoir vu Serge, couché en petite boule, en train de vomir. Il n’avait vraiment pas l’air d’aller bien. En tout cas, il
n’avait pas l’air d’un gars qui avait envie de monter sur la
scène.   »
    Serge et Normand ont des traits en commun   : le sens
de l’humour, la timidité, l’amour de la musique et la passion du hockey. Ensemble, ils rigolent et vont au Centre
Bell voir des matchs. Normand goûte à l’humour particulier de Serge Fiori, un soir, alors que le Canadien tire de
l’arrière parce que le gardien de but, le Français Cristobal
Huet, n’est pas à la hauteur. Emporté par l’enthousiasme
et la partisanerie, Fiori se lève et hurle, après un mauvais
but accordé par Huet   : «   S’tie d’Brassens, d’Édith Piaf de
marde   !   » Morts de rire, Brathwaite et lui se mettent à hurler
à tue-tête des noms de Français célèbres. Les spectateurs,
autour, les regardent en rigolant   : ils s’attendaient à tout en
venant au Centre Bell ce soir-là, mais certainement pas à
voir Normand Brathwaite et Serge Fiori déchaînés   !
    Normand apprécie beaucoup ses conversations avec
Fiori. Les propos qu’ils échangent n’ont rien à voir avec
les habituelles discussions de gars. Serge sait écouter les
autres et s’intéresser à eux, il ne monopolise pas l’attention et n’essaie pas de séduire. Normand connaît la force
de la relation d’amitié qui unit Fiori et sa femme Marie-Claude, mais il est confiant   : «   Je sais que Serge aime les
belles femmes et je sais qu’il trouve la mienne très belle,
mais je me sens en sécurité.   »
    Quand Brathwaite raconte à Serge qu’il doit interpréter la chanson Viens danser lors du spectacle de la Saint-Jean, Fiori ne dit rien pour l’en empêcher, même