Serge Fiori : s'enlever du chemin
plus fort. « Serge est tellement drôle, il a cette binette particulière. C’est un être extrêmement sympathique. Il est
attachant, il est doux, il est un mélange de féminité et de
masculinité à la fois. Et il est en même temps insaisissable.
Un côté à la fois vulnérable et inaccessible. Si tu essayes
de le saisir, il t’échappe. » Un point de vue qu’Isabelle partage. « Être ami avec Serge, c’est être ami avec une anguille.
Il faut toujours aller le chercher, lui, il n’appelle pas. Et
après, il boude. Serge est plein de contradictions. Il entre
en contact avec les gens, mais en même temps, ce n’est pas
lui qui va entretenir la relation. Il ne va pas non plus souvent dans les endroits publics. »
Isabelle se rappelle d’une fois où, pour venir en aide à
une fondation qui s’occupait d’enfants souffrant de cancer, elle avait accepté de signer un livre de recettes. Elle a
demandé à Fiori de lui fournir une recette pour l’ouvrage
(recette qui a été, dans les faits, fournie par l’auteure de
ces lignes). Au Salon du livre, Isabelle saisit toute l’ampleur
de la popularité de Serge. Emballée par la participation de
Fiori, la directrice de la fondation demande à Isabelle s’il
pourrait venir, quelques heures, signer des ouvrages lors
de l’événement. Isabelle lui répond que la seule petite
chance de faire apparaître Serge en public, c’est qu’elle
l’accompagne, idée qui ne plaît pas à la directrice, qui préfère n’avoir qu’un artiste à la fois en séance de signature.
« Alors, ce sera non. Je peux t’assurer que ce sera non, je ne
lui demanderai même pas ! » « Avec toi, tu crois qu’il viendrait ? »
Pourquoi pas ? Ça valait le coup d’essayer. À la grande
surprise d’Isabelle, Serge accepte de l’accompagner à la
séance de signature. Un bon moment avant l’heure prévue, une longue file s’étire devant le kiosque. « C’est-tu ici,
Serge Fiori ? » Isabelle, futée, se sert de cet engouement
pour répliquer : « Achète-moi un livre et je te dis à quelle
heure il vient ! »
« Mais cette affaire-là, poursuit Isabelle, c’est en dehors
de la popularité. J’en connais des gens populaires dans ma
vie, mais Serge, c’est au-delà de ça, c’est autre chose. C’est
costaud. J’ai tout de suite compris pourquoi il en avait assez au bout de deux heures et pourquoi il évitait les lieux
publics. Les témoignages qu’il a reçus pendant qu’il était
là, je me disais que ça devait être lourd à porter. Je l’avais
déjà remarqué quand on était au restaurant, mais dans un
endroit public comme ça, c’était vraiment gros. Et il y avait
des gens de tous les âges.
« Et je comprends très bien le public. Encore aujourd’hui,
quand j’écoute l’heptade, j’ai des frissons. Il n’y a jamais eu,
dans ma vie, une musique qui m’ait fait vibrer comme ça.
Le nombre de personnes qui m’ont demandé : “Pourquoi
Serge ne fait plus de shows ?” “Quand est-ce qu’il va revenir ?” C’est incalculable. À Granby, pour un festival, l’organisateur m’avait demandé si je pouvais convaincre Serge
de venir, ne serait-ce que comme musicien. Je lui ai dit :
“Non, oublie ça. Même dans les toilettes avec un micro, il
ne viendra pas.” Et je comprends très bien pourquoi : je ne
crois pas qu’il soit armé aujourd’hui pour faire face à tout
ce que comporte le fait de revenir en arrière. Se retrouver
à soixante ans, après tout ça, sur scène… Tu ne peux pas
retrouver ta candeur, ton insouciance et ta spontanéité.
« C’est facile d’avoir de l’intimité avec Serge quand tu es
amie, mais c’est difficile d’avoir une certaine continuité.
Avec lui, j’ai vite compris et accepté qu’il fallait le prendre
de même. On le prend quand il passe et il ne faut pas avoir
d’attentes. Et j’apprécie mes moments avec lui. »
Dans la foulée du succès de son émission matinale, Paul
Arcand décide, en 2005, de réaliser un documentaire avec
la productrice Denise Robert. Le film, Les voleurs d’enfance , dresse un portrait critique de la DPJ et des conditions
de vie des enfants au Québec. Pour composer la musique,
Paul songe tout de suite à Fiori, qui est heureux de se joindre à Paul Arcand, un homme qu’il aime et admire. Par
contre, le thème est tellement délicat que Serge se demande quelle
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