Serge Fiori : s'enlever du chemin

décide d’appeler
Rock Demers, un producteur et réalisateur de films québécois. Majoly lui propose ses services et ceux de Fiori pour
la création d’une musique de film. L’homme de cinéma
accepte de les rencontrer. C’est dans un restaurant de
Montréal qu’ils font connaissance. Les trois s’entendent
assez rapidement et Demers pense déjà à leur confier un
projet. Il travaille, à ce moment-là, sur la postproduction
d’un film tourné en Inde, Hathi   ; il s’agit de l’histoire du petit Makbul, élevé au contact des éléphants dans le sud de
l’Inde. Rock Demers connaît déjà Fiori de nom, bien sûr,
mais il ignore qu’il s’intéresse à la philosophie indienne, ce
qu’il découvrira durant l’exécution du mandat. Il les invite
tous les deux à venir chez lui écouter la bande sonore du
film, écrite par un auteur-compositeur indien qui compte
en faire un album. Serge juge la bande très intéressante,
mais pense qu’avant d’en faire un album, il faudrait arranger et emballer le tout, ajouter des choses à ce qui est déjà
là. Serge est adepte de méditation et de culture indienne
depuis quelques années   ; ce monde lui est donc familier.
Il souhaite ajouter des sons modernes, un peu américanisés, à ce film traditionnel. Dans Hathi, il utilise des instruments de musique d’origine, auxquels il ajoute des échantillonnages, des guitares et des thèmes américains, traités
à l’indienne. Le résultat est très impressionnant. Demers
s’avoue enchanté par ce mélange de cultures.
    «   À partir de ce premier enregistrement, Serge et Majoly
ont réalisé un album extraordinaire, à partir de pièces originales auxquelles ils ont ajouté d’autres œuvres. Lorsque
je suis allé au studio de Serge, pour donner des titres aux
pièces, je me souviens d’avoir été impressionné par la simplicité et la justesse de ce qu’ils avaient fait. Ça avait été
très agréable. Les titres que Serge et Majoly proposaient,
je les adoptais immédiatement. Ils tombaient pile chaque
fois. On s’était beaucoup amusés. Par exemple, ils ont intitulé une des pièces   : Trois grenouilles marchant dans la
forêt . C’était exactement cela   !   »
    Ce projet est très innovateur   : pour la première fois, Serge
et Majoly enregistrent les pièces de façon numérique, c’est-à-dire par ordinateur. C’est très inhabituel pour l’époque
d’enregistrer directement sur disque dur. Majoly et Fiori
composent tout, avec un budget limité. Ils le font pour
le plaisir de créer. Ils chantent, jouent les instruments et
sont eux-mêmes impressionnés par les résultats obtenus.
    «   Puis, deux ans plus tard, je tournais un deuxième film
en Inde, et pour celui-là, j’ai encore invité Serge et Majoly
à collaborer, mais cette fois, pour faire toute la musique
originale du film Le petit diable . La réalisatrice indienne
était venue à Montréal pour le montage et la postproduction. Avec elle, j’allais rencontrer Serge et Majoly à l’occasion, pour entendre ce qu’ils avaient composé. C’était absolument merveilleux. Comme deuxième expérience, je ne
pouvais demander mieux.
    «   Puis, un troisième film se préparait au Sénégal. Certaines scènes de ce film, intitulé Madame Brouette , se tournaient là-bas, et pour ces scènes, j’avais un compositeur
sénégalais. Ce dernier a ainsi composé deux ou trois pièces
pour ces scènes, mais l’ensemble de la musique restait à
faire. J’ai donc proposé à Serge et à Majoly de procéder à
l’écoute de ces pièces afin de voir si ça leur convenait, et
ils se sont mis au travail pour composer l’ensemble de la
musique. Encore là, ce fut une expérience extraordinaire.
Serge comprend exactement ce que le réalisateur essaye de
dire. Puis, avec Majoly, il ajoute cette autre dimension que
la réalisation n’arrive pas à donner et que je pourrais qualifier de spirituelle et de poétique. C’est quelque chose qui
se marie très bien, parce que ce n’est pas évident d’ajouter de la musique sur un film qui a été tourné en Inde, par
exemple, avec des comédiens indiens, dans l’atmosphère
de là-bas. Et que ça fonctionne, comme ça   ? Que ça ne décale pas   ?
    «   Même chose pour le film sénégalais. Serge, avec Majoly,
a enrobé le film de sa composition musicale   ; mais il fallait
aussi que ce soit sur les parfaites tonalités par rapport à la
musique qui