Serge Fiori : s'enlever du chemin

Harmonium leur apparaît carrément romancée. À la lecture du script, Louis s’exclame   :
«   Ça n’a pas de sens, il faut modifier le scénario   !   » Pour sa
part, Serge refuse de commenter cette expérience, qu’il
juge épouvantable, et Louis est d’accord avec lui. Quand ils
sortent de l’hôtel, après trois nuits de ratures et de corrections, ils apprennent que le tournage est déjà commencé
depuis un mois. Serge est consterné   : «   Ça fait trente ans
qu’on refuse d’exploiter Harmonium. Peut-on imaginer la
honte qu’on a vécue en regardant ces épisodes   ? Une chance que les gens nous soutenaient…   »
Angoisse, quand tu me tiens…
    Un jour, alors que Fiori roule en voiture sur le boulevard
Métropolitain, l’angoisse l’étreint et il doit s’arrêter pour
appeler à l’aide. Il est victime d’une crise d’hyperventilation, il ressent une douleur au thorax   ; il a la certitude d’être
en train de mourir. Il téléphone à Marie-Claire. La crise
finit par passer, mais Serge ne pourra plus monter dans
une voiture pendant un bon moment. Dès qu’il se sent en
vase clos, la panique le guette   : il ne peut plus conduire.
Il pense également être affecté par un virus, puisqu’il respire avec difficulté et doit utiliser des pompes. Fiori décide
de consulter un médecin qui lui prescrit de l’Effexor, un
médicament antidépresseur et anxiolytique. La dose initiale qui lui est prescrite est de trois cents milligrammes,
une dose tellement puissante que Serge se demande encore aujourd’hui si ce médecin n’était pas lui-même sous
l’effet d’un médicament puissant lorsqu’il l’a consulté. Il a
l’impression de planer, d’avoir pris du LSD. Pendant trois
jours, complètement anesthésié, il hallucine et divague.
    Il retourne voir le médecin qui coupe sa dose de presque la moitié, la réduisant à 187,5 milligrammes. Il se sent
encore tellement givré qu’il augmente sa consommation
d’alcool pour diminuer la sensation de casque de bain qu’il
dit ressentir en permanence. Le cocktail alcool et pilules
conduit Fiori à un état de dissociation tel qu’il ne se reconnaît pas, pas plus que ses proches, d’ailleurs. Il n’éprouve
plus de crises de panique, mais il reste sur le party pour
enlever l’effet de l’Effexor, ce qui, convenons-en, n’est pas
l’idée du siècle.
    Durant près de trois ans, il se gèle aux médicaments et
boit de l’alcool tous les soirs. Fiori est content de se retrouver seul et de pouvoir enfin composer à sa guise   ; il faut
mentionner qu’il n’est pas en très grande forme pour socialiser. Son état psychique se détériore. Marie-Claire s’inquiète   ; ses proches aussi.
D’autres rencontres
    C’est pour le thème de son émission du matin Puisqu’il
faut se lever que Paul Arcand prend contact avec Serge Fiori en 2004. Fan de l’artiste depuis toujours, Paul se réjouit
à l’idée que Serge puisse être le compositeur de la chanson
de son show matinal. Fiori se met aussitôt au boulot. Pour
ce faire, il s’imagine lui-même le matin, coincé en plein
cœur du trafic sur le pont Jacques-Cartier, à la recherche
d’un poste de radio intéressant pour tuer le temps. L’automobiliste ne trouve rien et s’impatiente, jusqu’à ce qu’il
tombe finalement sur Paul Arcand, qui tient des propos intéressants et intelligents. À partir de cette idée, Fiori compose des couplets drôles et populaires.
    Lorsque Serge fait entendre son démo à Paul Arcand, celui-ci est ravi. C’est réglé, il a trouvé son thème.

    Fiori reçoit un jour l’appel de la belle Marie-Claude
Tétreault, une brillante productrice, photographe et artiste peintre. Elle l’informe que Claudine Monfette, mieux
connue sous le nom de Mouffe, prépare un livre intitulé Au cœur de la musique , dans lequel elle présente des artistes dans leur intimité. Marie-Claude est la photographe
attitrée de ce magnifique livre d’art, qui sera publié aux
Éditions La Presse en 2006. Elle aimerait bien rencontrer
Serge pour faire une série de photos.
    Fiori accepte de la recevoir à son studio, rue Saint
Laurent. D’abord timide, le musicien ne parle pas beaucoup   ; il garde les yeux rivés sur les boutons de sa console
de son. Mais lorsque Marie-Claude lui annonce qu’elle
était la meilleure amie de Murielle Paquet, son ex-amoureuse décédée dans l’écrasement de l’avion en Caroline du
Sud, il