Serge Fiori : s'enlever du chemin
ébranlé, surpris et déçu, alors que Georges est outré, ulcéré, furieux ; ce dernier veut se rendre
sans tarder à Télé-Métropole et flanquer une raclée à Jacques Duval ! Si Serge parvient à retenir son père, celui-ci
mettra tout de même des semaines avant de se calmer et
de passer à autre chose. Les Comtes Harbourg ne s’en remettront pas non plus : Le cimetière du disque a sonné la
fin du groupe. Ce 45 tours est devenu un véritable objet de
collection ; il n’en resterait, aujourd’hui, qu’une vingtaine.
À peu près à la même époque, une rumeur circule et
embrase la jeunesse : on prétend que Paul McCartney serait mort dans un accident de voiture, quelques années
plus tôt, en 1966, et qu’un sosie l’aurait remplacé afin que
le groupe, en pleine gloire, ne s’éteigne pas. Serge et son
ami Réal se passionnent pour cette énigme : les oreilles rivées au poste de radio – CKGM distille les indices sur une
base quotidienne – ils collectionnent les « preuves » qui
tendraient à démontrer la véracité de cette machination.
Ce qui a déclenché cette vaste rumeur, c’est la pochette
d’ Abbey Road, sur laquelle on voit le quatuor traversant
un passage clouté. Sur cette image, Paul avance pieds nus
(on enterre ainsi les morts en Inde), Ringo Starr est vêtu de
noir (couleur de la mort en Occident) et John est habillé
en blanc (couleur de la mort en Orient). De plus, la plaque
d’immatriculation de la voiture qu’on y aperçoit, LMW 28
IF, signifierait « Living McCartney would be 28 if… », soit
« Paul McCartney vivant aurait vingt-huit ans si... » Ajoutons à cela des centaines d’indices fabriqués par les fans, ou encore glanés ici et là par ceux-ci, et la rumeur prend
des allures de complot international, que Serge et ses amis
suivent avec une passion dévorante et un enthousiasme
débridé. Ce sera un grand moment dans la vie d’adolescent de Serge, un événement auquel il s’intéressera avec
autant de passion que la crise d’Octobre, quelque temps
plus tard.
Après la séparation de ses parents, séparation qui durera six ans, Serge emménage avec sa mère au 4840, Henri Bourassa Est. Durant cette période, alors que la maison de
Duvernay est à vendre et trouve difficilement preneur (les bungalows ne possédant qu’une seule chambre à coucher
au rez-de-chaussée ne suscitent pas d’engouement durant les années 1960), Serge et Danielle en font leur refuge.
Le jeune Fiori a les clés de la maison et les amoureux s’y
retrouvent, le soir et les fins de semaines, dans l’intimité.
Ils s’initient ensemble au haschisch, comme presque tous
les jeunes de l’époque, mais ils n’en deviennent ni l’un ni
l’autre des adeptes : une consommation récréative, tout
au plus. Serge ignore alors que ce qui l’attend, en matière d’expérience avec la drogue ; une expérience mille fois
plus terrifiante que celles vécues après avoir fumé ces petits joints de hasch.
Bad trip
J’viens de sauter dix pieds dans les airs
J’vais me r’trouver comme un fou su’a terre
Comme un fou, tout est si clair
Comme
un
fou
Année 1969. Serge entre au Collège de Bois-de-Boulogne, où il retrouve son ami Réal Desrosiers. Ils n’ont jamais
cessé de se voir à l’époque de l’école secondaire, alors
qu’ils fréquentaient des établissements différents ; cette
rentrée prend pourtant l’allure de retrouvailles. Les deux
musiciens sont inséparables. En duo, ou en trio avec Marc
Bergeron, ils sont invités à se surpasser dans le gymnase
du cégep, chaque fois que l’occasion se présente. Serge,
qui a « sauté » une année du primaire, est le plus jeune de
sa cohorte. Les premières semaines du trimestre s’écoulent dans la joie et l’insouciance, entre la musique et les
études.
En tant que benjamin du groupe, Serge veut non seulement s’intégrer, mais aussi impressionner son monde,
soulever les passions et faire swinguer ses amis. Il fonde
la radio étudiante et devient D.J. Le local de la radio se situe au sous-sol du cégep, au bout d’un long corridor bordé
de petits locaux. C’est là qu’un jour, une connaissance de
Laval, en visite au cégep, offre un joint à Serge, composé
de marijuana de bonne qualité et d’un peu de LSD. Serge
ne s’inquiète pas et en tire quelques bouffées. Ce
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