Serge Fiori : s'enlever du chemin
libre cours
à cette partie de son âme qui le poussait à extérioriser son
indignation et à dénoncer les choses inacceptables.
Mais tout n’est pas que force et résilience dans la vie de
l’adolescent : en cette période morose, agrémentée seulement par la musique, il souffre de plus en plus des absences de son père, qui vit la nuit, et de l’indifférence de sa
mère. Heureusement pour lui, sa grand-mère Albertine,
la mère de Claire, vient vivre avec eux. C’est auprès d’elle,
comme on le sait, qu’il trouvera refuge.
Il n’y a pas de repas familial chez les Fiori, pas plus qu’il
y a de moments d’échanges entre les membres de la famille. Lorsqu’il se sent trop seul, Serge traverse la rue et se
rend chez Palmira, sa tante. Il préfère encore la violence
de l’oncle Paul – phénomène dont on ne parle pas dans la
famille – à la froide solitude de sa maison.
Ses cousines Carole et Christiane procurent à Serge un
rapport sœurs-frère qui l’extirpe de l’isolement auquel le
contraint sa condition de fils unique. Serge aime profondément ses deux cousines et il ne peut tolérer les accès de
rage de leur père qui, la plupart du temps, se traduisent en
coups de toutes sortes sur les murs et les portes, qui terrorisent les deux petites filles.
L’oncle policier mesure plus de six pieds, alors que Serge
n’est pas précisément du type costaud ; il devine qu’il doit
plutôt investir dans une relation de confiance avec son
oncle afin de l’amadouer et, au besoin, lui faire entendre
raison. Lorsque le père de ses cousines est sobre, Serge le
défie dans des parties d’échecs qui servent à tisser un lien
de confiance entre eux de sorte que, durant les explosions
de violence de Paul, le jeune Fiori parvient à s’interposer
et à faire entendre raison à l’homme violent. Les parties
d’échecs ont porté leurs fruits. L’oncle apprécie suffisamment son neveu pour prêter l’oreille à ses discours et cesser de tempêter quand il le lui demande. Ce besoin de protéger les autres est à la source du talent de rassembleur de
Serge Fiori, qui ne peut tolérer que quelqu’un soit mal ou
qu’un individu prenne avantage sur un autre. C’est plus
fort que lui, il doit intervenir.
Serge développe donc pour ses cousines une affection
profonde, doublée d’un sentiment de complicité intense.
Auprès d’elles, il se sent utile : elles représentent sa véritable famille. Ensemble, les enfants rient, sortent, se jouent
mille et un tours. À l’adolescence, Serge continuera de protéger ses cousines et ces dernières racontent en riant qu’il
se montrait très sélectif dans le choix de leurs amoureux ;
on peut présumer qu’il était un peu jaloux de tous ces prétendants.
Cette période de sa vie est aussi celle de l’éveil sexuel et
amoureux. Serge a de l’énergie à revendre et se comporte
en adolescent aux prises avec de constantes montées de
testostérone ! Il va jusqu’à fréquenter les dessous de balcon
dans l’espoir d’assister au spectacle du vent soulevant les
jupes des filles. Ce sont des moments à la fois merveilleux
et éprouvants pour le jeune garçon qui se perçoit comme
étant enlisé dans l’obsession ; sa sexualité et sa libido sont
très fortes (« même chakra que la créativité », dit-il). Malgré
le fait que toutes les filles de son entourage éveillent du
désir en lui, il orientera cette puissante énergie vitale vers
Danielle Bleau, une superbe fille, amie de ses cousines, qui
habite juste derrière chez elles.
Danielle et lui commencent donc à se fréquenter, mais
ils le font discrètement, sans que ça paraisse trop ; ils cherchent à conserver la possibilité de s’associer à d’autres, car
ils ne veulent pas passer, comme ils le disent eux-mêmes,
pour un couple officiel, tout en le désirant. Danielle est une
fille mûre qui inspire confiance, mais lors de cette première relation, Serge éprouve déjà des difficultés à s’engager.
Même s’il adore Danielle, il regarde toujours ailleurs avec
l’espoir de rencontrer celle qui le transfigurera, la fille, la Jésus de l’amour.
Au cours de cette première relation qui durera deux ans
et demi, le couple va maintes fois se séparer et reprendre.
Serge avait une conception des relations amoureuses qui,
sans être précise, faisait en sorte qu’il idéalisait
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