Serge Fiori : s'enlever du chemin

qui ne viennent pas le voir ou
demander de ses nouvelles, il ne veut pas non plus se rendre au cégep, car il craint trop de revivre la scène qui le
terrifie s’il retourne sur les lieux qui le hantent toujours.
Il passe un mois ainsi, totalement coupé du monde, avant
que Johanne, celle-là même qui l’a aidé le jour de sa surdose, ne se présente chez lui, en quête de nouvelles. La visite de cette fille n’est pas désintéressée   ; elle s’enquiert de
son état, mais espère tout de même davantage du jeune
homme auquel elle s’est attachée. Elle lui fait comprendre sans ambiguïté qu’elle est amoureuse de lui. Serge est
seul, vulnérable, isolé   : il la laisse pénétrer dans son intimité. Commence alors une relation basée sur la sensualité
et l’exploration sexuelle, mais Serge demeure craintif   ; les
échanges de propos avec Johanne lui laissent une drôle
d’impression, car les paroles de sa nouvelle amie ne le réconfortent plus. Fragile, il s’abandonne pourtant   ; il la laisse envahir son espace personnel.
    Il faut mentionner que Serge est presque constamment
en état de crise. Il craint chaque seconde de revivre les événements troublants du mois précédent et ne parvient pas
à se défaire de ce sentiment tenace de peur et d’anxiété.
Chaque fois qu’il prend le métro ou qu’il franchit un long
corridor, tout recommence   : les couleurs qui se mélangent,
l’angoisse, la course pour échapper à ces murs qui oscillent
et se meuvent en tous sens. Les déplacements s’avérant
désormais difficiles, Serge Fiori éprouve une peur irrationnelle à l’idée d’utiliser les transports en commun, de
monter dans un ascenseur ou même de gravir un simple
escalier.
    De ce bad trip, il ne dit rien à Danielle. C’est par des
amis qu’elle apprend ce qui est arrivé à son amoureux, et
elle juge sage de lui laisser un peu de temps pour se remettre de ses émotions. C’est lorsqu’une amie de sa sœur
lui confie que Serge voit une autre fille que, dévastée par
cette nouvelle, elle débarque enfin chez lui. Le Serge Fiori
qui se tient devant elle n’est pas celui qu’elle a connu et
aimé   : son amoureux est amaigri, fatigué, abattu, distant et
silencieux. Elle a le pressentiment qu’il s’est désintéressé
d’elle, mais elle a besoin d’en avoir le cœur net. Lorsqu’elle
lui demande s’il est vrai qu’il fréquente quelqu’un d’autre,
Serge, incapable de mentir, lui avoue la vérité. Danielle repart anéantie. Cette aventure de son ami de cœur s’avère
une trahison qu’elle n’arrive pas à comprendre, encore
moins à accepter. Même si la relation de Fiori avec Johanne
ne sera qu’un épisode transitoire au cours de cette difficile
période de vie, elle aura suffi pour mettre fin à sa relation
avec Danielle.
    Sous le coup de cette terrible peine d’amour, Danielle
continue à fréquenter leurs amis communs, mais elle évite Serge. Le revoir est au-dessus de ses forces. Fiori, pour
sa part, regrette amèrement la fin de cette relation   ; il se
sent coupable d’avoir blessé cette gentille fille qu’il aimait
sincèrement. Il se perçoit comme anormal, bizarre. Son
état ne s’améliore pas après cette douloureuse rupture. Il
est manifeste que, dans sa condition actuelle, il n’est pas
apte à vivre une relation saine et durable   ; accaparé qu’il
est par sa propre survie, il ne peut s’occuper de quelqu’un
d’autre.
    Désespéré par tout ce qui lui arrive, Serge décide de
consulter. Fouillant les Pages jaunes du bottin téléphonique, il repère un psychologue, prend rendez-vous avec lui
et s’y rend sans tarder. Il ne le rencontrera qu’une fois. Ce
professionnel de la santé, morbide, froid et distant, écoute
le récit de son patient, ne pose que quelques questions et
brandit son diagnostic   : psychose. Fiori est estomaqué. Lui
qui souhaitait être rassuré se retrouve au contraire encore
plus effrayé parce que le verdict du psychologue confirme
ce que, depuis le début, il redoute par-dessus tout   : la folie   !
    C’est
durant
cette
période
pénible
que
son
père
–
quelqu’un l’a informé de l’état de son fils – tente désespérément de le joindre, mais Serge ne répond plus aux sonneries du téléphone. En désespoir de cause, Georges prend
contact avec Claire, qui se trouve toujours en Floride, afin
de lui