Serge Fiori : s'enlever du chemin
cote à la
mafia, grand-p’pa ? » À toutes ces questions, on lui répond
simplement : « Parce que c’est comme ça ! »
Serge cherche à éveiller les consciences. Il participe
à des rassemblements, prend la parole et se lance sur la
place publique. Il est en amour avec le Québec, un amour
qu’il veut partager avec le plus de gens possible. Le drapeau fleurdelisé tatoué sur le cœur, il refuse que quiconque
médise de son Québec. Il se révèle aussi pur d’intention
que son idole sacrée : René Lévesque. Pour Fiori, vouloir
son propre pays, c’est la base de la sécurité, le fondement
de l’individu. Ce sentiment s’apparente à son besoin de
fusion avec sa famille ; c’est le lieu d’appartenance, les racines, l’identité. En être privé s’avérerait aussi dramatique
et traumatisant que se faire adopter ou être arraché à sa
famille. Bien entendu, pour exprimer ses idées, pour les
propager, il choisira bientôt le moyen d’expression qui lui
est le plus naturel et pour lequel il est né : la chanson.
Que ce soit avec L’exil , Depuis l’automne , Un musicien
parmi tant d’autres et plusieurs autres textes de son cru,
Serge exprimera son patriotisme et son engagement à la
cause indépendantiste.
Son voyage culturel en Europe, son immersion à Val-David, le contexte social et politique, son amour pour Lucie :
tout le prépare à l’œuvre qu’il est sur le point d’entreprendre et qui aura des répercussions sur plus d’une génération.
Naissance d’Harmonium
Michel Normandeau, journaliste et amateur de théâtre, monte une pièce de théâtre écrite par son ami Claude
Meunier et cherche quelqu’un pour composer et exécuter
la musique. Il entre en contact avec Serge Fiori, qui lui a
été recommandé. La rencontre a lieu – bien que la pièce,
elle, ne sera jamais jouée – et les deux hommes éprouvent
l’un pour l’autre un élan spontané, une espèce de coup de
foudre amical.
Michel et Serge vont alors multiplier les rencontres, trouvant toutes sortes de prétextes pour se côtoyer, et bientôt,
des liens forts se noueront entre eux. Un jour, Normandeau
annonce à Fiori qu’il doit accompagner un chansonnier à
l’Université de Montréal : il propose alors à Serge de se joindre à eux sur scène. Ils seront accompagnés d’un bassiste
du nom de Louis Valois. Il avait été recruté à sa plus grande
surprise, puisqu’il avait accroché sa basse et renoncé à la
musique quelques années auparavant. Issu d’une famille
de musiciens, il avait, durant son adolescence, fait partie
d’un groupe baptisé les Whose, formation qui se produisait les week-ends dans les salles de danse. Valois avait par
la suite décidé d’abandonner la musique pour poursuivre
des études en optométrie.
C’est par un employé de l’université de sa connaissance
que Louis est invité à se joindre au groupe. Comme il a récemment vécu une rupture amoureuse qui l’affecte beaucoup, il se dit que cette occasion de monter sur scène le
sortira peut-être de sa déprime.
Le soir venu, Louis se présente au duo Fiori-Normandeau. Il comprend mal que ces deux-là aient été engagés
ensemble : normalement, pour un récital comme celui-là,
on fait plutôt appel à un pianiste, à un guitariste et à un
bassiste. La relation entre ces deux guitaristes – liés comme les deux doigts de la main – semble curieuse aux yeux
du bassiste : Valois est persuadé que, durant le spectacle,
ils vont tour à tour prendre le lead … Mais ça ne sera pas
le cas. Le bassiste remarque un décalage important entre
le savoir-faire des deux guitaristes, Fiori étant nettement
plus habile et maître de son instrument. Louis garde ses
réflexions pour lui. « Ce n’était pas de mes affaires », confiera-t-il. Après le concert, les trois hommes échangent tout
de même leurs coordonnées.
Peu de temps après cette prestation, Michel perd son colocataire : Claude Meunier. Ce dernier emménage avec son
amoureuse dans l’appartement d’en face. Normandeau
propose alors à Fiori de prendre la chambre laissée vacante ; Serge accepte et s’installe aussitôt dans cette chambre
située à côté de l’escalier, une espèce de garde-robe où il
y a tout juste de la place pour un lit. Mais pour quelqu’un
qui a passé une bonne partie de son adolescence dans un
sous-sol sombre, sans fenêtres, cet appartement revêt
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