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Serge Fiori : s'enlever du chemin

Serge Fiori : s'enlever du chemin

Titel: Serge Fiori : s'enlever du chemin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Louise Thériault
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aux années 1970, ce que fut l’arrivée du piano, qui a supplanté le
clavecin, lors du passage de la période classique baroque à
la période classique romantique. L’apparition des pédales,
sur le piano, qui permettaient de maintenir le son ouvert,
de l’étirer, a tout changé dans la composition musicale de
l’époque. Entre un Mozart au clavecin, qui devait enfiler
les notes à une cadence rapide pour emplir l’espace musical et un Debussy qui utilisait avec brio le piano, soutenant
et étirant les notes, créant des accords complexes, très proches du jazz, les deux mains se chevauchant, qui donnent
cette espèce de brume à la fois forte et nostalgique, il y a
un monde musical qui s’est ouvert. La douze cordes a eu
le même effet sur le plan musical à l’époque. Elle sort Fiori
du clavecin, pour ainsi dire. À la limite, le compositeur n’a
même pas besoin d’un band   : il fait les basses, les accords
et les harmoniques par-dessus, couvrant à peu près tout
ce que peuvent faire une petite section classique ou jazz.
Il n’est plus contraint de jouer la gamme, il peut jouer l’extension de la gamme. Ce son riche complète tellement bien
la voix du chanteur, que la formation n’a plus besoin, à la
limite, que d’une basse. Si Fiori prendra autant de temps
avant de sentir le besoin d’adjoindre une batterie à la formation Harmonium, c’est que la douze cordes est aussi
percussive   !
    «   Tu ne fais plus rien pareil. Tu ne vois pas la musique de
la même façon, tu ne l’exécutes plus de la même manière.
Tu changes de dimension et ça te force à écrire comme j’ai
écrit, à chanter comme j’ai chanté   ; je suivais le courant
de ma guitare. J’étais même pas certain de vouloir faire de
la musique plus tard   ; je suis un gars de son et mon but,
c’était de devenir ingénieur du son, mais quand la douze
cordes m’est tombée dans les mains, c’était comme avoir
tous les sons en même temps, ça me complétait. Ça me
consolait de ne pas être devenu ingénieur   ! Jamais je ne me
serais retrouvé avec les textes et les musiques que j’ai faits
si je n’avais pas eu une douze cordes. C’était ma destinée.
Avec une six cordes, je serais sans doute tombé dans des
accords un peu plus funk, dans mes racines rock. Harmonium aurait peut-être existé, mais aurait eu un son complètement différent.   »
    Au cours des mois et des années à venir, sa technique
d’écriture et de composition se raffinera et se précisera,
mais elle restera fondamentalement la même jusqu’à
aujourd’hui. Elle pourrait se résumer en deux mots   : transe
et improvisation.
    Après de multiples tâtonnements et de nombreuses expériences, après s’être essayé à la fois en anglais et en français, Fiori découvre la différence profonde entre les deux
langues. Plus il écoute les chansons des artistes qu’il apprécie et qu’il adopte pour modèles, plus il se rend compte
que la sonorité des deux langues est fort différente, tout
comme la structure même des chansons. Lui qui veut chanter en français expérimente quelques créations. Il constate
qu’il peut écrire un texte joliment tourné, solide et porteur, qui aura la sonorité adéquate et qui se tiendra tout
seul, ce qui rend délicate la tâche de composer une musique   ; la mélodie doit être au service du texte, sans lui faire
ombrage. Ce délicat équilibre, il en convient, se retrouve
chez certains auteurs compositeurs qui ont réussi ce mariage parfait   : Brel, Ferré, Beau Dommage. Ces artistes ont
en commun d’avoir élaboré des mélodies qui supportent
à merveille les textes, tout en ayant un son unique. Mais
il faut le mentionner, ces cas sont plus exceptionnels que
courants. Serge est avant tout un musicien   ; quand il s’applique à accoler de la musique aux textes qu’il écrit, il se
sent limité, piégé par les mots. Il retombe dans la mélodie à
trois accords, qui sert tout juste à mettre les paroles en valeur. À son avis, le tout sonne «   chansonnier   ». Or, pour un
musicien qui aspire à des envolées musicales grandioses,
qui adore les solos spectaculaires et qui veut provoquer,
chez l’auditeur, une émotion aussi bien musicale qu’intellectuelle, c’est trop peu, trop limitatif.
    Comment faire pour découvrir l’approche qui combine
ces deux éléments, texte et musique, et qui amènera la
chanson sur un autre plan   ? La réponse surgit

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