Serge Fiori : s'enlever du chemin
fatigués, mais remplis d’une douce sérénité, imprégnés jusqu’à la moelle d’art, de culture,
de musique et de fabuleux souvenirs, Serge Fiori et Réal
Desrosiers rentrent au pays, complètement transformés.
Au retour, une surprise de taille attend les deux voyageurs : la belle Lucie est là, à l’aéroport. Serge conserve
toutefois une certaine réserve : peut-être n’est-elle là que
pour accueillir Réal ? Mais son questionnement sera de
courte durée. Dès le week-end suivant, la jeune fille l’invite
au chalet de ses parents où ils se retrouveront seuls pour
la première fois. En dépit de leur timidité mutuelle, ils se
rapprochent l’un de l’autre ; au cours de la fin de semaine,
après avoir écouté du David Bowie ( Changes ) en boucle et
vécu une intimité physique exaltante, ils acceptent leur
destinée : ils forment maintenant un couple.
Lucie ignore cependant tout des cauchemars qui peuplent l’esprit de son amoureux. Depuis le bad trip au cégep, Fiori continue de traverser des périodes de paranoïa ;
il évite scrupuleusement les corridors étroits et les endroits
clos, et il se sent encore souvent plongé au sein d’une autre
dimension, mais il n’en souffle mot à personne.
Entre-temps, le cercle d’amis de Serge continue de
s’élargir. À Duvernay se forme lentement un solide noyau
de jeunes épris de musique, de culture, d’art, de théâtre et
de poésie. Chacun d’entre eux est promis à un bel avenir
dans le milieu culturel québécois, mais ils l’ignorent encore et se laissent porter par une vague créatrice qui les
emporte et les pousse à créer, à imaginer, à faire, à bâtir et
à s’exprimer. Claude Meunier monte un spectacle qu’il a
écrit, Les 24 heures de la rue Sainte-Catherine, une série de
sketches et de numéros, dont l’absurdité et la folie annoncent déjà les personnages qui feront le succès et le génie de
leur auteur. Il demande à ses amis Fiori et Réal d’en faire
la musique et de l’interpréter lors des représentations. Serge est le meilleur public dont puisse rêver Meunier ; Fiori
trouve l’auteur génial, rit à gorge déployée soir après soir et
se reconnaît dans le sens de l’humour de son ami. (Quand
Meunier, alors avec les Frères Brothers, faisait la première
partie du spectacle de Fiori, celui-ci allait les écouter dans
la salle pour ne rien manquer ; c’était ce qu’il avait vu de
plus délirant et de plus novateur de sa vie, et quand venait
son tour, il en oubliait de monter sur scène !) Pour Serge,
Claude Meunier, ce n’était pas juste l’humour, « c’était ben
plus gros encore ! » Lorsque les répétitions de Les 24 heures de la rue Sainte-Catherine prennent fin, ils se retrouvent tous, Desrosiers, Fiori, Meunier, Michel Rivard, dans
l’appartement de Louis Saïa, où, après quelques bières, ils
se lancent dans de longues et hilarantes improvisations
humoristiques, au cours desquelles, la plupart du temps,
Meunier part dans un délire incontrôlable qui déclenche
des fous rires mémorables. Fiori et Meunier ignorent encore qu’ils habiteront, dans un avenir pas si lointain, des
appartements face à face, et que ces soirées se reproduiront quelques fois.
Durant la même période, Serge fait aussi la musique –
toujours avec son fidèle complice Réal –, pour une troupe
de danse d’une trentaine d’interprètes qu’ils accompagnent en tournée dans les cégeps de la province durant
tout près d’un an. C’est l’occasion, pour eux, d’explorer sur
le plan musical, de tenter d’arriver à une harmonie qui ne
va pas de soi dans un duo composé d’une guitare et d’une
batterie. Le résultat ne leur semble pas toujours heureux,
mais ils font de la musique et c’est tout ce qui importe.
Cette tournée est aussi l’occasion pour Serge de s’ouvrir
au monde de la danse, une forme d’art pour laquelle il se
découvrira une véritable passion, qui le fera vibrer toute sa
vie et qu’il considère comme une réelle porte d’entrée pour
l’âme. « C’est le corps, la porte. Si tu habites ton corps, un
moment donné, la boule dans ton ventre te dit tout. Moi,
j’ai été avec des danseuses ou des chorégraphes toute ma
vie – mes blondes –, pour trouver le mouvement, le vrai.
Les danseuses doivent répéter les mêmes gestes des centaines, des
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