Serge Fiori : s'enlever du chemin

d’offrir aux spectateurs le spectacle qu’ils méritent et qu’ils
attendent parfois depuis de longues semaines. «   Si, en
sortant du show, mon public n’était pas complètement fou
et ne chantait pas dans les rues, c’est que j’avais manqué
mon coup. Chaque ville était une maîtresse que je voulais
absolument combler.   »
    Fiori n’a pas eu à vivre souvent l’humiliation de décevoir
cette maîtresse exigeante   ; c’est toujours une ville en liesse qui saluait le passage du groupe. Toutefois, sa vie personnelle ne suit pas le même cours exaltant. La situation
est devenue de plus en plus tendue avec Lucie, et Serge
commence à envisager l’idée de mettre fin à leur relation,
conscient que son train de vie n’est pas appelé à changer, et que Lucie se fait beaucoup de mal en persévérant
dans ce couple qui n’en est déjà plus un. Ce n’est pas tant
l’amour et l’affection qui sont en cause, mais bien la réalité irréconciliable des deux individus. Toutefois, malgré ce
constat, Fiori ne parvient pas à passer à l’action   ; la vie s’en
chargera bientôt.
    Tandis qu’Harmonium prépare son spectacle de la veille
de la Saint-Jean 1975, Lucie part pour la Californie   ; c’est
un voyage sans objectif précis, sur le pouce, qu’elle entreprend, munie d’un simple sac à dos. Au hasard de ses déplacements, en Oregon, elle rencontre un homme de qui
elle s’éprend. À son retour, c’est elle qui prendra l’initiative
de rompre avec Serge, une séparation qui sera difficile et
s’étendra sur une longue période.
    Lors de la toute dernière représentation de Si on avait
besoin d’une cinquième saison, le batteur Denis Farmer
se trouve dans la salle, en compagnie de Paul Dupont-Hébert, le booker du théâtre Outremont. Farmer ne peut
croire qu’un groupe comme Harmonium n’ait pas de batteur et il aimerait bien tenir ce rôle, mais Fiori ne souhaite
pas intégrer cet instrument à son groupe, du moins pour
le moment. En revanche, la présence de Dupont-Hébert
suscite un certain intérêt au sein de la formation. L’homme souhaite devenir agent d’artistes et rêve de produire
des spectacles   ; de plus, il est directeur artistique chez CBS
et Sony. Après avoir organisé les spectacles d’Harmonium
à l’Outremont, Paul invite les musiciens du groupe à souper chez lui et en profite pour leur faire une proposition
d’association. Les membres aiment bien cet homme   ; il est
sympathique et charmant, et il adore leur musique. Il a un
bon sens des affaires, se révèle déterminé et fait preuve
d’un leadership indéniable. Le groupe accepte l’offre de
Dupont-Hébert, qui devient ainsi l’agent d’Harmonium, le
producteur et le directeur artistique du prochain album.
Exit Yves Ladouceur.
Album l’heptade
    De retour de vacances, à l’automne 1975, les musiciens
d’Harmonium envisagent la production d’un troisième album, mais Serge semble manquer d’inspiration   ; il ne parvient pas à trouver l’idée ou le concept qui sera à la source
de ce prochain disque, et les quelques idées éparses qui
commencent à s’imposer à lui ne suffisent pas à le motiver à se mettre sérieusement à l’écriture. Afin de gagner
du temps, Fiori prolonge la tournée du deuxième album,
en quête de l’étincelle qui l’allumera   ; il se demande bien
ce qu’il pourrait réaliser après un album à la fois classique, jazz et folk comme l’exceptionnel Si on avait besoin
    d’une cinquième saison . À la blague, il lance un jour aux
membres du groupe   : «   On était trois au premier album,
cinq au deuxième, on sera sept au troisième   !   » C’est une
boutade, mais le chiffre sept s’impose progressivement de
lui-même   : sept. Comme les sept chakras, sur lesquels il
a lu jadis, ceux qui lui sont apparus lors de son bad trip .
Les sept chakras. Ces quelques mots résonnent dans sa
tête et font doucement leur chemin jusqu’à sa conscience.
C’est la révélation   ! Oui, le prochain album évoquera les
sept chakras   : ils offrent une foule de possibilités et lui permettront d’explorer l’ensemble du corps, de l’âme et de la
conscience. Il a trouvé son fil conducteur   !
    Michel
Normandeau,
qui
partage
maintenant
une
maison à Marieville avec Pierre Labonté, l’éclairagiste du
groupe, s’empresse, de son côté, de faire des recherches
sur le sujet. En raison d’un grand nombre