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Serge Fiori : s'enlever du chemin

Serge Fiori : s'enlever du chemin

Titel: Serge Fiori : s'enlever du chemin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Louise Thériault
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c’était lui qui avait dessiné ce Peace sur la grange
de son père. Comme il devait se rendre chez des amis qui
habitaient dans une commune, non loin, il m’a invité à
me joindre à lui. Je me suis retrouvé parmi un groupe de
jeunes Américains, filles et garçons. Parmi eux, quelques
francophones. Ils formaient une commune rurale. C’était
l’époque de la guerre du Vietnam, et plusieurs jeunes Américains avaient fui les États-Unis pour s’installer dans ce
paysage aux couleurs d’Irlande.   »
    Cette même année 1970, Richard et Marthe s’installent
à Magog. Comme Richard Pouliot organise à cette époque
des spectacles pour la région, il propose à Marthe et Richard de créer avec lui un lieu de diffusion, qui deviendra
Le Café du quai. Avec un groupe d’amis, ils transforment
un ancien entrepôt de boissons gazeuses, situé sur le bord
du lac Memphrémagog, en salle de spectacle.
    L’endroit devient vite un point de rencontre vivant, créa
tif, un lieu unique pour les musiciens de l’Estrie. Le Café
du quai voit défiler sur sa petite scène les Raôul Duguay,
Michel Garneau, Jim et Bertrand, La Quenouille bleue,
Les Séguin et bien d’autres artistes de l’époque. De jeunes
musiciens viennent squatter les lieux, en faisant le théâtre
d’innombrables jam-sessions , d’improvisations musicales,
de performances spontanées, où chacun joue pour le pur
plaisir du partage musical. Le café mérite très vite la réputation d’être un haut lieu de la musique folk, ce qui attire
bien des amateurs, aussi bien francophones qu’anglophones.
    Un après-midi d’été, donc, Serge Fiori s’arrête au café   ;
il regarde l’endroit, jette un coup d’œil à la petite scène et
propose à Pouliot de présenter son show au café avec Louis
Valois et Michel Normandeau, en toute simplicité, pour
sortir un peu du circuit des grandes salles. Le propriétaire
des lieux se montre ravi et saute sur l’occasion. Quelques
semaines plus tard, le trio d’origine d’Harmonium offre un
spectacle mémorable au Café du quai, attirant une foule
de spectateurs qui se déploiera jusqu’aux abords du lac
Memphrémagog.
    C’est ce soir-là que Marthe et Richard font la connaissance de Serge. Après le concert ils se donnent rendez-vous, échangent leurs adresses et numéros de téléphone   :
ils se verront à Outremont. L’amitié entre Serge Fiori et Richard Séguin est spontanée, immédiate.
    Au cours de ces années, Magog devient un foyer culturel actif et innovateur. Un noyau se forme, camarades que
Séguin appellera «   la gang de Magog   », regroupant des gens
de toutes provenances et de tous les horizons artistiques   :
Américains, Montréalais, Australiens   ; chanteurs, poètes,
artisans, musiciens. Sur la rue principale s’ouvrent des
boutiques d’artisans, des bars, des cafés   ; des Westfalia dévalent les rues, des tipis se dressent sur Brown Hill. Louis
Pauwels déclarait à cette époque   : «   Si vous n’avez pas la
foi, ayez un feu   : c’est toute l’alchimie. Un vrai feu. Un feu
matériel. Tout commence, tout arrive, par le contact avec
la matière.   » Richard Séguin, pour sa part, estime que   :
«   Transmuter et transformer sont les mots clés de l’époque   :
réduire l’échelle des villes, sauvegarder la nature, créer des
villages communautaires décentralisés, utiliser des techniques douces et thérapeutiques, devenir des acteurs sans
public, des chanteurs dans un chœur, réconcilier la science et l’intuition, des mots qu’on retrouvait dans Le livre des
possibilités . C’était ça pour nous, ce retour à la campagne   :
rejoindre les poètes, les esprits libres   ; il y avait dans la région quelques isolés marginaux et on voulait développer
un réseau de musique et de projets.
    «   Alors que nous, les Séguin, traduisions l’écoconscience
dès le début des années 1970, avec en tête des livres comme Le Guide des outils planétaires, Serge, lui, portait un
univers, un temps qui n’appartenait qu’à la musique, tout
à son service   ; il ne se déplaçait que pour la musique, un
voyage dont la seule route était guidée par elle. Il n’a jamais
cherché le vedettariat, il était même attristé de voir l’image
que la machine projetait de lui   ; il tournait en dérision tout
ce qu’on pouvait dire sur lui. Il vivait sur la planète musique, il n’était pas sur le même fuseau horaire que

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