Serge Fiori : s'enlever du chemin

aujourd’hui, il est comme ça.   »
    Serge ne tire pas que des avantages de ce charisme. Il se
bute parfois à l’idéalisation, phénomène qu’il redoute terriblement   ; bien qu’il soit d’une nature très simple et qu’il
fasse tout pour mettre les gens à l’aise, il fige devant ceux
qui le portent aux nues. Il est prisonnier, bien malgré lui,
du visage public de Serge Fiori. Il ressent les malaises que
sa présence suscite parfois, et il peut aller jusqu’à ignorer
sa nature profonde pour aider à les dissiper.
Les aléas des tournées
    Dans les chambres d’hôtels qu’ils doivent partager, par
fois avec l’un, parfois avec l’autre, les besoins et les limites
de chacun ne sont pas les mêmes. Il arrive que l’un ait envie
d’inviter des amis, ou des filles, et que l’autre n’ait d’autre
choix que de rester éveillé. Les différences de chacun font
que certaines tensions font bientôt leur apparition.
    Par contre, la présence de la seule fille du groupe, jolie
de surcroît, et qui aurait pu générer des tensions, n’affecte
pas l’unité du groupe   ; Monique ne ressent aucune pression, et aucun de ses six partenaires de tournée n’essaie
de la séduire. Tout se passe dans la musique. «   Notre focus était sur la musique, pas sur le sexe ni la drogue. On aimait
tellement ce qu’on faisait. Avant le show, on pratiquait, on
faisait des ajustements. Après le show, ça fumait la cigarette et ça buvait du Southern Comfort   !   » Fiori est bien d’accord, lui qui ajoute   : «   Quand tu fais des centaines de shows par année et que tu reçois une dose aussi massive d’amour
et de reconnaissance, la sexualité devient secondaire. Du
moins, c’était comme ça pour moi et pour certains musiciens.   »
    De toute façon, Serge entretient une relation harmonieuse avec Hélène. Elle est si vraie, si organique   ; avec elle,
tout est facile. Il a besoin d’elle dans sa vie. Elle prend soin
de lui, de la maison, l’accompagne lorsqu’il va assister à
des spectacles. Ils dorment un peu partout, chez Monique
Fauteux, chez Libert   ; ils sont tous les deux un peu bohèmes et ne se séparent que le temps des spectacles et des
tournées.
    Néanmoins, malgré cette paix et cette quiétude qu’il
vit avec Hélène, bien malgré lui, Serge tombe amoureux
d’une femme déjà engagée avec quelqu’un d’autre, et
pourtant amoureuse de lui. La relation semble impossible.
Même s’il reste fidèle à Hélène, le cœur de Fiori s’absente
de plus en plus souvent et sa compagne finit par s’en rendre compte. Hélène en souffre, comme Serge souffre, et il
en est de même pour l’amoureuse secrète.
    Impossible de concilier tout cela.

    En novembre, alors qu’il se tient en coulisses et se pré
pare à monter sur scène, Fiori reçoit enfin son album, pochette et vinyle. La chose se fait comme ça, sans préparation   : le disque est déjà dans les vitrines des disquaires. L’heptade vient de sortir, et ses concepteurs n’en ont même
pas encore vu le premier exemplaire   !
    Lorsqu’ils l’écoutent enfin, Serge est crispé. Il ne sait pas
trop à quoi s’attendre, mais il finit par se détendre, se laisse
pénétrer par le tout   ; il n’a pas participé au mixage, mais il
est satisfait du résultat. L’accueil que reçoit l’album de la
part du public et des journalistes achève de le convaincre
que l’heptade est destiné à une belle carrière. À l’Alternatif,
rue Saint-Denis, où il se rend dès son retour des Maritimes,
il reçoit son tout premier commentaire de la part de deux
vendeurs à la caisse.
    «   Les deux me regardent en silence. Un des deux donne
un coup de coude à l’autre et lui murmure   : “C’est lui   !” Il y
a une pile de mon album sur le comptoir, et je me souviens
que les gens entrent, ramassent l’album, le payent et ressortent aussitôt. Finalement, l’autre vendeur me demande
en bégayant   : “On comprend pas… c’est quoi, ça… comment vous avez fait ça   ?”   »
    Pour la promotion de leur album, ils sont invités par Peter Gzowski au fameux 90 Minutes Live, sur la chaîne de
télévision CBC. Là, devant un public entièrement anglophone, ils présentent la pièce Comme un fou , et le public
en redemande. Ils jouent alors Dixie, et les gens se retrouvent debout. Après l’émission, Peter Gzowski leur demande de revenir dès le lendemain afin d’interpréter deux
autres