Serge Fiori : s'enlever du chemin

pièces, du jamais vu dans cette émission   ! Ce succès
augure bien pour l’accueil du public anglophone auquel
ils rendront visite durant la tournée.

    Au cégep Maisonneuve, le groupe recommence à répéter pour la nouvelle partie de la tournée qui s’amorce   ; ils
joueront dans les arénas, les grandes salles et les théâtres
réputés du Canada. Paul Dupont-Hébert leur indique le
nom des villes, ainsi que les dates des représentations, et
dévoile le montant des cachets que chacun recevra   : tout
est divisé en parts égales entre eux. Au début de 1977, la
tournée hybride est terminée et la vraie tournée de l’heptade commence. Malgré tous les changements qu’ils ont dû
apporter aux pièces de l’album, quand le groupe amorce
sa série de spectacles, il est fin prêt. La prestation est rodée
au quart de tour.
Tournée des théâtres
    Au cours des dix-huit mois qui suivent, Harmonium doit
se produire dans les plus grands théâtres   : l’Outremont
à Montréal, le Palais Montcalm à Québec, l’Orpheum de
Vancouver et le Massey Hall de Toronto. Les musiciens
se rendent partout au Canada anglais, profitent des plus
belles salles. Parmi les points saillants de cette formidable
tournée, ils feront dix soirs de prestation au théâtre Outremont, à guichet fermé. Cette série de spectacles fait dire
à Serge qu’il vit là les plus beaux moments de sa carrière.
Harmonium est au sommet de son art, tout est parfait   : la
musique, le son, l’atmosphère, le public, la façon de jouer
des musiciens, la complicité des membres du groupe sur
scène. Il a travaillé toutes ces années pour en arriver là,
pour réaliser ces grandes choses qui se concrétisent enfin.
Après l’heptade et cette série de spectacles sur des scènes
mythiques, Fiori se demande comment il pourra aller plus
loin, monter plus haut.
    Le quatre mars de cette année-là, le musicien fête ses
vingt-cinq ans sur la scène de l’Outremont   ; à la fin du
spectacle, Hélène va le retrouver et le surprend avec un
gâteau. Ses fans lui chantent bon anniversaire pendant
d’éternelles minutes. Complètement paralysé par l’euphorie qui a gagné la salle, Serge éclate en sanglots et reste silencieux durant un très long moment.
    Quand c’est possible, Fiori arrive dans les villes où il est
accueilli un ou deux jours à l’avance   ; déguisé, il sort dans
les bars en fin de soirée et écoute les conversations autour
de lui, surtout lorsque les gens parlent de l’heptade et du
sens qu’il faut donner à cet album. Il est heureux de procurer autant de bonheur musical à ces gens. De sa chambre
d’hôtel, la veille du spectacle, il observe la foule qui se rassemble sur la place D’Youville et qui s’installe avec des tentes, des sacs à dos, des sacs de couchage   ; ces gens chantent toute la nuit les airs d’Harmonium, allument des feux,
font la fête. Fiori est ému parce qu’il retrouve chez eux la
même attitude et la même émotion qu’il avait lui-même
quand il allait voir ses idoles, comme Led Zeppelin, et qu’il
se pinçait en se demandant s’ils allaient être vraiment là,
en chair et en os, et s’ils allaient se surpasser comme sur
leurs albums. Parfois, cependant, l’euphorie cède plutôt
la place à la crainte   ; il arrive que les musiciens du groupe
doivent se cacher et attendre de longues heures avant de
sortir du théâtre, afin de ne pas être assaillis par des fans trop enthousiastes.
    Pour cette tournée, ils sont beaucoup mieux logés. Par
fois, Fiori regagne sa suite d’hôtel et trouve les autres musiciens en compagnie de filles qui se taisent dès qu’il entre.
S’il s’assoit avec eux, ou les accompagne à la piscine ou au
jacuzzi, il perçoit l’effet qu’il produit sur ces jeunes filles   ;
elles le considèrent comme un gourou, boivent la moindre de ses paroles et attendent sa bénédiction, des mots
de sagesse, une envolée spirituelle. Elles le voient comme
un être asexué, une lumière porteuse de quelque message
divin. Tout cela agace profondément Serge, mais il est trop
délicat pour détromper ces admirateurs et préfère les quitter pour retrouver sa chambre. Pourtant, tout ce qu’il souhaite vraiment, après les spectacles, c’est s’amuser, laisser
retomber la pression et l’adrénaline, déconner entre amis.
    Il serait fastidieux de décrire chaque spectacle, mais
cette tournée donne lieu à