Serge Fiori : s'enlever du chemin
beaucoup de moments mémorables, parmi lesquels le spectacle de London, en Ontario,
où le nombre des fans d’Harmonium est considérable. Le
promoteur du spectacle, emporté sans doute par un enthousiasme débridé, a vendu plus de billets que la salle ne
peut contenir de spectateurs. Il prend contact avec Serge
et l’informe qu’il a vendu trois mille billets de trop ; il faut
donner une deuxième représentation. « Quoi ? » répond
Serge, un deuxième show le même soir ? Es-tu malade, as-tu déjà vu notre spectacle ? On n’est pas Pierre Lalonde ! »
Le promoteur réplique, dans un langage peu élégant, qu’il
est piégé : il craint une émeute si tout le monde ne peut assister au concert. Coincé, Serge accepte de faire un second
spectacle. Harmonium donnera le premier à dix-neuf heures, et le second à vingt et une heures ; cette seconde prestation sera mémorable.
« Au deuxième show, j’ai carrément lévité. J’ai tellement tout donné au premier spectacle que j’ai plus rien au
deuxième. Je suis en état d’extase en partant. Je me contrefous de tout, je suis déjà “plogué”. Je n’ai même pas mangé.
Quand j’arrive sur scène, je suis déjà sur le high de Comme
un sage .
« Quand je suis arrivé la deuxième fois à Comme un sage ,
tard dans la soirée, j’ai compris c’était quoi le nirvana. Une
espèce d’unisson où tu es la musique. T’as plus de corps ;
malgré l’effort, tu ne le sens plus. Tu es une guitare, tu es un
micro, tu es une scène. Cet état, tu le recherches toujours
et tu l’atteins de temps à autre. Mais là, durant un show complet ? C’était hallucinant ! Louis et moi, on se regardait,
on riait et on pleurait en même temps. Tu as littéralement
l’impression d’être assis dans le disque. Ce fut pour moi
l’apogée, le plus parfait et le plus grandiose de tous nos
spectacles. »
Ces moments magiques et parfaits confortent Serge
dans son refus de permettre la captation de leurs performances ou la prise de photos ; il adore l’idée qu’Harmonium ne puisse être vu que lors de ses spectacles, et que
chacun de ceux-ci soit différent du précédent. Le public
est privilégié et assiste, comme ce soir-là, à des instants qui
deviendront de très chers souvenirs, mais qui ne pourront
être revus. C’est ici et maintenant que ça se passe, dans
l’instant présent.
Ainsi se déroule la tournée des plus prestigieux théâtres
canadiens, d’Halifax à Vancouver, en passant par Toronto.
Elle durera près de deux ans.
Avec le recul, Fiori pense que le band aurait peut-être dû
s’arrêter là, après la tournée des théâtres, quitte à attendre un an et à recommencer le même circuit. La tournée
des grandes salles et des arénas qui va bientôt s’amorcer
va être déterminante pour la fin d’Harmonium, mais surtout en ce qui a trait à la santé de Serge. Ses épisodes d’anxiété, toujours bien cachés au groupe, sont de plus en plus
fréquents et il appréhende la suite des choses. Mais parce
que l’équipe est grosse, que la tournée entraîne beaucoup
de frais, que les musiciens ont des familles à faire vivre et
que cette tournée est leur gagne-pain, il sent qu’il a la responsabilité de continuer. Il décide donc d’aller de l’avant,
comme prévu ; il fait la tournée des arénas et des centres
sportifs, tout en sachant fort bien que pour être à la hauteur
des attentes du public, il devra créer un dispositif scénique
comme ceux des grands groupes américains ou britanniques. Serge réunit le groupe et leur dit : « O.K., on va faire
des arénas, mais on va faire les plus gros shows d’arénas
jamais vus au Québec. Comme si on avait deux millions de
dollars de budget et qu’on voulait mettre le paquet pour
impressionner la foule. Un genre de show 3D de l’heptade, avec deux écrans géants de chaque côté, un autre au-dessus de la scène et un écran en tulle devant nous pour projeter des images. À la Pink Floyd, quoi ! Sauf qu’on n’a pas
de budget ! »
Le groupe accepte, mais ces idées novatrices, excellentes au demeurant, impliquent l’ajout de personnel technique, d’un photographe et d’un archiviste de l’ONF. Elles
exigent aussi de piger dans les profits que devrait générer
la tournée, qui s’avérera, au final, bien peu payante pour
les artistes.
Rencontres d’idoles et convention de la
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