Serge Fiori : s'enlever du chemin

les frais de transport, etc. Il fera pour le mieux, mais
il est déçu et en colère   : une telle œuvre ne devrait pas être
soumise à des considérations financières et menacée de
coupes.
    Pour l’orchestration, l’enregistrement a lieu à l’école Vin
cent d’Indy, à Outremont. Neil subit la pression engendrée
par le budget restreint   ; il n’aura que vingt et un musiciens à
sa disposition, alors qu’il prévoyait en avoir quatre-vingts.
C’est le quart de ce qui était prévu. Pour l’intro, ça peut aller   : il s’agit de deux notes qui s’éternisent comme dans le
cosmos. Mais pour la fin, lorsque tout explose, ça ne rend
pas justice à l’œuvre   ; ce qui devait être immense semble
tout petit. Ils essaient de doubler les pistes, mais ça ne suffit pas. Neil est découragé, il n’en dort plus. Durant l’enregistrement, Serge doit monter sur la scène avec les autres
musiciens, qui semblent désormais se soucier de l’heptade autant que du journal qu’ils lisent lors des pauses. Rien ne
va plus.
    De son côté, Michel Lachance ressent la même angoisse
que Neil   : il est convaincu qu’il n’arrivera jamais à mixer
cet album. C’est trop gros et il doit se rendre à Toronto
pour faire le travail. Là-bas, ils engagent un ingénieur du
son d’excellente réputation et Neil rejoint cette nouvelle
équipe afin de lui prêter main-forte. Il faut préciser que
Michel est affligé d’une violente douleur au dos, douleur
chronique qui l’empêche parfois même de marcher, ce qui
ajoute à ses soucis actuels. Quand Serge arrive au studio, il
peut sentir la tension, à couper au couteau.
    Pour ajouter une pression supplémentaire, l’équipe de
gérance décide de programmer des spectacles au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse et met les billets en
vente, alors que l’album n’est toujours pas mixé   !
    Dès septembre, les répétitions s’amorcent à Saint-Roch,
chez Serge Locat, ou dans un local sur la rue Papineau, ou
encore chez Denis Farmer. Il y a toute une adaptation à faire, sans l’orchestration. Le groupe doit parfois ajouter des
ponts musicaux qui n’apparaissent pas sur l’album en studio et qui sont conçus spécifiquement pour la version live .
C’est une autre approche avec laquelle Harmonium doit
apprendre à composer. Parce qu’ils se joignent au groupe,
Monique, Libert et Robert Stanley doivent aussi apprendre
à évoluer avec les musiciens d’origine. Libert, déjà plongé
dans un élan musical intense depuis deux ans, apprécie
l’esprit qui règne au sein du groupe, ainsi que l’harmonie
des voix. L’enthousiasme semble être momentanément revenu au sein d’Harmonium.
    Les spectacles de l’automne prévoyaient une première
partie avec le matériel des albums précédents, et une seconde avec celui de l’heptade   ; c’est une façon de tester ces
nouvelles pièces et d’apprendre à les jouer sur scène, où
il faut constamment harmoniser les choses pour donner
plus d’ampleur à une pièce. La scène, tous le savent, c’est
très différent du travail en studio. Autre élément dont il faut
maintenant tenir compte   : la formation s’est considérablement élargie. Après quelques centaines de spectacles, le
matériel antérieur à l’heptade était parfaitement rodé   ; là,
les musiciens doivent s’habituer à jouer Pour un instant ,
par exemple, avec une batterie derrière eux. Jamais Harmonium n’avait eu de batterie sur scène, et il faut maintenant procéder à de nombreux ajustements, puisque la percussion enterre parfois les instruments acoustiques. Locat
aide Serge à développer un système de son pour sa guitare
acoustique, afin qu’elle prenne la même place sonore que
la batterie. D’immenses boîtes de son, derrière Serge, donnent l’impression que sa guitare vient de quadrupler de volume   ; ce type de boîtes génère généralement du feedback ,
mais Locat et Fiori procèdent à quantité de réglages afin
que la guitare soit de même force que la batterie. Poussant
encore plus loin l’ingéniosité, Fiori insère des pick-up dans
sa guitare acoustique, normalement réservés aux guitares
électriques. Tous les jours, les deux Serge bricolent le matériel pour améliorer le son sur scène, d’autant plus que
dans chaque salle où ils débarquent, ils font face à de nouveaux défis. Le son ne se répercute pas de la même façon
selon les matériaux utilisés pour la