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Services Spéciaux - Algérie 1955-1957

Services Spéciaux - Algérie 1955-1957

Titel: Services Spéciaux - Algérie 1955-1957 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul Aussaresses
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Bella. Il suffisait de prononcer l’éloge appuyé de Ben Bella et de faire comme si Ben M’Hidi n’était qu’un remplaçant provisoire. Alors, le prisonnier se mettait à parler, sans même s’en rendre compte. Bigeard jouait les sceptiques. Ben M’Hidi était obligé d’en rajouter et donnait, malgré lui, des détails susceptibles de prouver qu’il était bien à la tête du FLN. Il n’évoquait que te domaine qu’il estimait mineur : te système de ravitaillement et l’organisation logistique du FLN. Mais ses informations étaient de premier ordre,
    Bigeard et Ben M’Hidi comparaient leurs troupes, leurs systèmes, comme deux vieux camarades. Bigeard finit par se laisser prendre à ce jeu et ressentit sûrement de l’amitié pour le chef du FLN qui, évidemment, ne fut jamais torturé. Cette relation de confiance entre les deux hommes pouvait conduire à d’insolubles problèmes. Bigeard disait qu’il fallait utiliser Ben M’Hidi, qu’il saurait le convaincre. Massu était ennuyé.
    La manière dont Ben M’Hidi était traité n’était pas du goût de tout le monde. Massu avait nommé à son état-major le juge Bérard, dont le bureau se trouvait tout près du mien et que je voyais souvent à la préfecture. Ce juge d’instruction, on s’en souvient, avait pour mission de tenir le cabinet de François Mitterrand, le garde des Sceaux, directement informé de ce que nous faisions, sans avoir à passer par te parquet.
    Bérard était très excité à l’idée de cette arrestation et ne cessait pas de m’en parler.
    —  Mais qu’est-ce qu’on va bien pouvoir en faire, de ce Ben M’Hidi ? me demanda-t-il un matin.
    —  Ce qu’on va en faire, ça m’est bien égal. Ce n’est pas moi qui l’ai arrêté et ce n’est pas mon affaire. Ça regarde Bigeard.
    Mais il ne vous arrive pas de vous en occuper un peu tout de même ?
    —  Pourquoi donc ?
    —  Je voulais juste savoir si vous l’aviez fouillé.
    —  Ce n’est pas à moi de faire ça.
    —  C’est bien ce que je pensais : si vous ne l’avez pas fouillé, vous ne lui avez pas enlevé sa pilule de cyanure.
    — Qu’est-ce que vous racontez ?
    —  Voyons, fit Bérard en appuyant bien chacun de ses mots, ce n’est pas à vous que j’apprendrai ça : tous les grands chefs ont une pilule de cyanure. C’est connu.
    Ce que me demandait Bérard, qui représentait la justice, ne pouvait pas être plus clair. Je lui répondis donc sur le même ton ;
    —  Et à supposer qu’on le fouille, monsieur le juge, et qu’on ne trouve pas de pilule de cyanure : au point où nous en sommes, vous avez peut-être une idée de la boutique qui en vend car, voyez-vous, on a oublié d’en mettre dans mon paquetage.
    Le magistrat resta imperturbable.
    —  Alors ça, mon vieux, vous vous débrouillez. Vous êtes un professionnel.
    J’allai voir le docteur P., un chirurgien que Mayer et moi connaissions bien. Je savais qu’il était de toute confiance. Je dus lui expliquer que nous étions à la recherche de cyanure pour permettre à un haut dignitaire du FLN de se suicider. Il griffonna aussitôt un nom et une adresse sur un bristol.
    —  Allez-y de ma part. On vous donnera ce qu’il faut.
    Muni de cette étrange ordonnance, je me rendis à l’adresse indiquée, une pharmacie d’Alger.
    Le pharmacien, un pied-noir, eut un léger sourire quand je lui fournis les explications qui s’imposaient.
    —  Et vous êtes pressé ?
    —  Non, non. Pas du tout. Absolument pas, fis-je d’un air absent.
    —  Alors, repassez demain matin de bonne heure.
    Le lendemain, il me tendit une bouteille de poison d’environ 75 cl.
    —  Mais ce n’est pas une bouteille qu’il me faut, c’est une pilule ! Je ne vais pas lui donner à boire !
    —  Démerdez-vous, c’est tout ce que j’ai. Vous n’avez qu’à bien le tenir : vous verrez, ça ne pardonne pas.
    J’ai longtemps gardé cette bouteille dans notre bureau de la préfecture qui était tout prés de celui du préfet Baret. Ceux qui passaient savaient qu’il s’agissait de poison et c’était devenu un sujet de plaisanterie :
    —  Alors, Aussaresses, toujours prêt à payer un coup !
    Garcet avait pris un malin plaisir à la poser à côté d’un des flacons de scotch qu’il avait rapportés d’Égypte. Pour sa plus grande joie, un visiteur, qu’on avait laissé se servir à boire, choisit la mauvaise bouteille et Garcet ne le prévint qu’in extremis.
    Un

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