Shogun
une libellule se poser puis s’envoler à
nouveau. « Mon mari m’a ordonné de venir ici. Sire Toranaga veut-il me
voir ?
— Oui. Il veut que vous lui serviez
d’interprète. »
Mariko était ébahie. « Pour qui ?
— Le nouveau barbare.
— Et le père Tsukku-san ? Est-il malade ?
— Non. » Kiri jouait avec son éventail. « Je
crois que nous pouvons nous poser une devinette. Pourquoi sire Toranaga veut-il
que ce soit vous plutôt que le prêtre ? Pourquoi, Mariko-san, devons-nous
garder tout l’argent, payer toutes les notes, former tous les domestiques,
acheter toute la nourriture et les produits pour la maison, et même, la plupart
du temps, les vêtements de nos seigneurs et maîtres ? Eux ne nous disent
jamais rien, n’est-ce pas ?
— Peut-être est-ce là que réside l’utilité de notre
intuition ?
— Probablement. » Le regard de Kiri était amical.
« Mais j’imagine que tout ça doit rester très privé. Il va vous falloir
jurer par votre Dieu chrétien de ne rien divulguer de cette rencontre. À
personne. »
La journée sembla perdre de sa chaleur.
« Bien sûr », dit Mariko, mal à l’aise. Elle
comprenait trè s bien. Kiri voulait dire qu’elle ne devrait
rien raconter à so n mari, au père ou à son confesseur…
Comme son mari lui avait ordonné de venir à la demande de sire Toranaga, son
devoir envers son suzerain l’emportait sur son devoir envers son mari. Elle
pourrait donc très bien lui cacher certaines choses. Mais à son confesseur ?
Pourrait-elle ne rien lui dire ? Pourquoi était-elle
l’interprète ? Et pas Tsukku-san ? Elle savait qu’elle
é tait une fois de plus, contre sa volonté, impliquée dans le genre
d’intrigue politique qui avait empoisonné sa vie. Elle aurait encore une fois
souhaité que sa famille ne fût pas ancienne et d ’ascendance
Fujimoto, qu’elle ne fût pas née avec ce don qui lui avait permis d’apprendre
ces langues presque incompréhensibles qu’étaient le portugais et le latin,
qu’elle ne fût jamais née. Mais, pensa-t-elle, je n’aurais alors jamais vu mon
fils ; je n ’aurais jamais rien su de l’Enfant Christ
ou de sa vérité, de la vie éternelle.
« Très bien, Kiri-san », puis elle ajouta avec
pressentiment : « Je jure, par Dieu mon Seigneur, que je ne
divulguerai rien de ce qui sera dit ici, aujourd’hui ou chaque fois que je
servirai d’interprète à mon seigneur suzerain.
— J’imagine que vous devrez aussi exclure tout
sentiment personnel pour traduire exactement ce qu’il a dit. Ce nouveau barbare
est étrange et dit des choses bizarres. Je suis sûre que mon maître vous a
choisie pour des raisons très spéciales.
— Je suis aux ordres de Sire Toranaga. Je ferai ce
qu’il voudra. Il n’aura jamais à douter de ma loyauté.
— Elle n’a jamais été mise en question, madame. Je ne
voulais pas vous faire de mal. J’aimerais vous demander une faveur, Mariko-san.
Voudriez-vous cacher votre crucifix sou s votre
kimono ? »
Les doigts de Mariko se posèrent sur l’objet sacré en un
geste de défense. « Pourquoi ? Sire Toranaga n’a jamais émis d’objections
à ma conversion. Pas plus que sire Hiro-matsu, le chef de mon clan ! Mon
mari a… mon mari me permet de le porter.
— Oui. Mais les crucifix rendent ce barbare fou
et mon maître, sire Toranaga, veut le voir tout à fait calme. »
Blackthorne n’avait jamais vu une personne aussi petite Konnichi
wa, dit-il. Konnichi, Toranaga-sama. » Il salua comme un
courtisan, fit un geste de la tête vers le garçon agenouillé près de Toranaga
et de la grosse femme, derrière lui. Ils étaient sous la véranda. Blackthorne
ramena les plis de son kimono autour de lui et s’assit sur le coussin posé sur
le sable, devant eux. « Gomen nasai, Toranaga-sama, nihon go ga
hanasemasen.
— Je suis votre interprète, senhor, dit Mariko
en un portugais presque parfait. Mais vous parlez japonais ?
— Non, senhorita, juste quelques mots et quelques
phrases », répondit Blackthorne, surpris. Il s’attendait à voir le père
Alvito.
« Sire Toranaga demande où… Peut-être devrais-je vous
demander si vous préférez parler en latin ?
— Comme vous voulez, senhorita. »
Qui est cette femme ? Où a-t-elle appris à parler
couramment le portugais et le latin ? Sinon chez les jésuites, pensa-t-il.
Dans l’une de leurs écoles. Oh, ils sont si habiles ! Bâtir des écoles,
c’est la
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