Shogun
voir, Kasigi Yabu-san ! Je
suis vraiment désolé de vous avoir fait attendre. »
Yabu était à présent certain que Toranaga avait décidé de le
faire décapiter, car, comme il est bien connu universellement, votre ennemi
n’est jamais aussi poli que lorsqu’il envisage ou qu’il a envisagé votre perte.
« J’ai pensé que ce serait intéressant de regarder se
lever l’aube, Yabu- san. Je crois que
la vue est vraiment ravissante d’ici – bien plus belle que du donjon de
l’héritier, neh ?
— Elle est effectivement très belle », dit
Yabu sans réserve. Il n’était jamais monté aussi haut dans le château. Il était
sûr que la remarque de Toranaga au sujet de l’« héritier » signifiait
que ses tractations secrètes avec Ishido étaient connues. « Je suis très
honoré de pouvoir la partager avec vous.
— Je vous présente dame Sazuko. Sazuko, je vous
présente mon allié, le fameux seigneur Kasigi Yabu, le daimyô qui no us a amené le barbare et le bateau rempli de
trésor ! » Elle salua et le complimenta. Il salua. Elle lui rendit
son salut. Elle lui offrit la première tasse de thé. Il déclina poliment cet
honneur, commençant ainsi le rituel. Il lui demanda de l’offrir à Toranaga qui
refusa et le pressa d’accepter. Des mouettes piaillaient. Les bruits de la
ville se réveillaient. Le jour venait de naître.
Dame Sazuko soupira, les yeux humides : « J’ai le
sentiment d’être une déesse à une telle hauteur, en regardant tant de beauté, neh ? C’est si triste que tout ça se soit
enfui pour toujours. Si triste, neh ?
— Oui », dit Toranaga.
Quand le soleil fut à mi-chemin de l’horizon, elle salua et
s’en alla. Les gardes aussi, à la grande surprise de Yabu. Ils restèrent seuls,
tous les trois.
« J’ai été très touché par votre cadeau, Yabu-san.
C’était trop généreux de votre part. Tout ce bateau et toute cette cargaison,
dit Toranaga.
— Tout ce que j’ai vous appartient », dit Yabu,
encore troublé par le spectacle de l’aube qui venait de se lever. J’aimerais
avoir plus de temps, pensa-t-il. Que c’est élégant de la part de Toranaga
d’agir ainsi ! Me donner une dernière fois la vision d’une telle
immensité. « Je vous remercie pour ce spectacle.
— Oui, dit Toranaga. C’était à moi de vous donner
quelque chose. Je suis heureux que vous ayez aimé mon cadeau, comme j’ai
apprécié le vôtre. »
Il y eut un silence.
« Yabu-san, que savez-vous d’Amida Tong ?
— Ce que savent seulement la plupart des gens :
que c’est une société secrète de dix… d’unités de dix hommes… un chef et jamais
plus de neuf acolytes en un seul endroit, femmes et hommes. Qu’ils sont liés
par le serment le plus secret au Seigneur Bouddha Amida, dispensateur de
l’Amour éternel, qu’ils font vœu de chasteté, d’obéissance et de mort, qu’ils
passent leur vie à s’entraîner pour devenir l’arme parfaite d’un seul crime,
qu’ils tuent sur les ordres du chef, que s’ils échouent et ne tuent pas la
personne choisie, homme, femme ou enfant, ils doivent immédiatement se
supprimer. Que ce sont des fanatiques persuadés d’aller directement de cette
vie au paradis de Bouddha et que pas un seul d’entre eux n’a été jusque-là
capturé vivant. » Yabu était au courant de la tentative d’assassinat sur
la personne de Toranaga. Tout Osaka l’était.
Tout Osaka savait également que le seigneur du Kwanto et des
Huit Provinces s’était enfermé à l’intérieur d’une série de cercles d’acier.
« Ils tuent rarement. Leur anonymat est total. Il
n’existe aucun moyen de se venger d’eux parce que personne ne sait qui ils sont
où ils vivent et où ils s’entraînent.
— Si vous vouliez faire appel à leurs services, comment
vous y prendriez-vous ?
— J’irais le murmurer en trois endroits : au
monastère Heinan, aux portes du sanctuaire d’Amida et au monastère Johji. Dans
dix jours, si j’étais considéré comme un employeur valable, je serais contacté
par des intermédiaires. C’est tel le ment secret que, même
si j’avais la tentation de les trahir ou de les attraper,
ce ne serait pas possible. Le dixième jour, ils me demanderaient une somme en
argent, la somme dépendant de la personne à assassiner. Pas de marchandage
possible. Il faut payer d’avance ce qu’ils demandent. Ils
garantissent seulement que l’un de leurs membres tentera de commettre l e
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