Shogun
rassemblez tous les samouraïs de garde,
dans la cour », dit Naga à un officier. Doublez les effectifs du nouveau
quart. Enlevez le cadavre. Le reste, vous êtes… » Il s’arrêta
de parler en voyant Kiri dans l’encadrement de la porte, stylet à la main. Elle
regarda le cadavre, puis Blackthorne.
« Est-ce que l’Anjin-san est blessé ? »
demanda-t-elle.
Naga jeta un regard sur l’homme qui le dominait de sa
taille. Il ne voyait ni blessures ni sang. Simplement un homme englué de
sommeil qui avait failli mourir. Blanc de teint, mais ne laissant
paraître aucune peur, extérieurement.
« Vous êtes blessé, pilote ?
— Je ne comprends pas. »
Naga s’approcha de lui, écarta les pans de son kimono de nuit pour vérifier.
« Ah, comprendre maintenant. Non, non, pas blessé,
entendit-il dire le géant.
— Bien, dit-il. Il ne semble pas blessé,
Kiritsubo-san. »
Il vit l’Anjin-san montrer du doigt le cadavre et dire
quelque chose.
« Je ne vous comprends pas, dit Naga. Anjin-san, vous,
rester ici. »
Il ajouta à l’intention de l’un de ses hommes
« Apporte-lui à manger et à boire s’il le désire.
— L’assassin était tatoué. Il portait le tatouage
d’Amida , neh ? demanda Kiri.
— Oui, Dame Kiritsubo.
— Des démons… ce sont des démons.
— Oui. »
Naga la salua puis regarda l’un des samouraïs affolés :
« Toi, suis-moi. Apporte la tête ! » Il partit rapidement, se
demandant ce qu’il allait bien pouvoir raconter à son père.
« C’était un ronin , dit Toranaga
sèchement. Vous ne retrouverez jamais sa trace, Hiro-matsu-san.
— Oui, mais Ishido est
responsable. Il n’a pas d’honneur pour agir de la sorte, neh ? Pas
d’honneur pour se servir de ces charognes de tueurs. Je
vous en supplie, laissez-moi rassembler nos troupes, maintenant. Je ferai
cesser ces agissements une fois pour toutes.
— Non. » Toranaga regarda Naga à nouveau.
« Tu es sûr que l’Anjin-san n’est pas blessé ?
— Oui, Sire.
— Hiro-matsu-san, vous dégraderez tous les gardes pour
avoir manqué à leur devoir. Ils ont l’interdiction de se faire seppuku. Ils ont
ordre de vivre dans la honte devant tous mes hommes, comme soldats de deuxième
classe. Que les gardes morts soient tirés par les pieds à travers le château et
la ville jusqu’au lieu d’exécution. Qu’ils soient donnés en pâture aux
chiens. » Il regarda son fils, Naga. Tôt dans l’après-midi, un message
urgent était arrivé du monastère Johji de Nagoya faisant état de la menace
d’Ishido sur la vie de Naga. Toranaga avait immédiatement ordonné que son fils
reste dans un endroit étroitement surveillé. Les autres membres de la famille
qui se trouvaient à Osaka – Kiri et dame Sazuko – étaient également gardés. Le
message de l’abbé ajoutait qu’il avait jugé sage de relâcher la mère d’Ishido
et de la renvoyer en ville avec ses servantes. « Je ne veux pas risquer la
vie de l’un de vos illustres fils stupidement. De plus, la santé de la vieille
dame n’est pas bonne. Elle a attrapé froid. Il vaut mieux qu’elle meure chez
elle. Pas ici.
— Naga-san, tu es également coupable d’avoir laissé
pénétrer le tueur », dit Toranaga. Sa voix était froide et amère.
« Tout samouraï est responsable, qu’il soit de garde ou non, qu’il soit
réveillé ou non. Je t’enlève la moitié de ton revenu annuel.
— Oui, Sire, dit le jeune homme, surpris de pouvoir
garder au moins sa tête. Dégradez-moi également, je vous en prie. Je ne peux
vivre avec cette honte. Je ne mérite que mépris pour mon propre échec, Sire.
— Si je voulais te dégrader, je l’aurais fait. Je
t’ordonne de partir immédiatement pour Yedo. Tu partiras ce soir avec vingt
hommes et tu feras un rapport à ton frère. Tu dois t’y rendre en un temps
record. » Naga salua et sortit, le visage blême Toranaga dit à Hiro-matsu
d’une voix aussi sèche : « Quadruplez mes gardes. Annulez la chasse
de demain et d’après-demain. Je quitte Osaka après la réunion des régents. Faites le nécessaire ! Jusque-là, je ne bougerai pas d’ici.
Je ne veux voir personne. Personne. »
Il congédia ses hommes d’un signe de la main. « Vous
pouvez tous partir. Hiro-matsu, reste ! »
La pièce se vida. Hiro-matsu était content que son
humiliation ait lieu en privé, car, de tous, c’était lui le plus responsable en
tant que commandant de la garde.
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