Shogun
le nez. « Que vous a offert
Ishido ?
— La tête de Jikkyu, dès que la vôtre aura roulé à
terre. Et sa province.
— En échange de quoi ?
— Le soutenir dès que la guerre éclate. Vous attaquez
sur votre flanc sud.
— Vous avez accepté ?
— Vous me connaissez mieux que ça. »
Les espions de Toranaga, éparpillés dans l’entourage
d’Ishido disaient que le marché avait été conclu et qu’il comprenait aussi la
responsabilité du meurtre de trois des fils de Toranaga : Noboru, Sudara
et Naga.
« Rien de plus ? Simplement le soutenir ?
— Par tous les moyens à ma disposition, dit Yabu
délicatement.
— Assassinat compris ?
— J’ai l’intention de faire la guerre, quand elle commencera, de toutes mes forces. Pour mon allié. Par tous les
moyen à ma disposition, pour lui garantir la victoire. Nous n’avons besoin que
d’un seul régent pendant la minorité de Yaemon. La guerre est inévitable entre
vous et Ishido. C’est le seul moyen . »
Yabu essayait de lire les pensées de Toranaga. Il méprisait
ses hésitations, sachant bien qu’il était l’homme le plus fort, que Toranaga
avait besoin de son appui, qu’il finirait bien par le vaincre. Mais que faire
entre-temps ? se demanda-t-il. Il aurait souhaité que Yuriko, sa femme,
soit là pour le guider. Elle aurait su trouver la solution la plus sage.
« Je peux vous être utile. Je peux vous aider à devenir seul
régent », dit-il. Il s’était décidé à jouer.
« Pourquoi souhaiterais-je être seul régent ?
— Quand Ishido attaquera, je peux vous aider à le
vaincre. Dès qu’il mettra fin à la paix, dit Yabu.
— De quelle façon ? »
Il leur fit part de son plan.
« Un régiment de cinq cents samouraïs équipés d’armes à
feu ? » dit Hiro-matsu en explosant de colère.
— Oui. Pensez à cette puissance de feu. Ce seront tous
des hommes d’élite, entraînés pour agir comme un seul homme. Et il y a aussi
vingt canons.
— C’est un très mauvais plan. Répugnant, dit
Hiro-matsu. Vous ne pourriez jamais garder le secret. Si nous nous y mettons,
l’ennemi s’y mettra aussi. Il n’y a pas de fin à une telle horreur. Il n’y a
pas d’honneur là-dedans, aucun avenir.
— Cette guerre n’est-elle pas la seule guerre par
laquelle nous soyons concernés, Sire Hiro-matsu ? répliqua Yabu. Ne
sommes-nous pas seulement concernés par la sécurité de sire Toranaga ?
N’est-ce pas là le devoir de ses alliés et de ses vassaux ?
— Oui.
— Tout ce que sire Toranaga doit faire c’est de gagner
une seule grande bataille. Cette victoire lui donnera la tête de tous ses
ennemis, et le pouvoir. Je maintiens que cette stratégie lui assurera la
victoire.
— Moi, je maintiens que non. C’est
un plan répugnant dépourvu d’honneur. » Yabu se
tourna vers Toranaga. « Une nouvelle ère exige une mûre réflexion sur le
concept d’honneur. »
Une mouette passa au-dessus d’eux en piaillant.
« Que dit Ishido de votre plan ?
— Je ne lui en ai pas parlé.
— Pourquoi ? Si vous pensez que votre plan est
valable pou r moi, il devrait l’être tout autant pour lui.
Peut-être même plus.
— Vous m’avez offert une aube. Vous n’êtes pas un
paysan comme Ishido. Vous êtes le plus sage, le plus expérimenté de tout
l’empire.
— Si nous adoptions ce plan, les hommes seraient moitié
à vous et moitié à moi ?
— D’accord. Je les commanderais.
— Mon représentant serait nommé commandant en
chef ?
— D’accord. J’aurais besoin de l’Anjin-san pour
entraîner mes hommes, pour en faire des canonniers.
— Mais il restera ma propriété exclusive. Vous le
chérirez comme vous chérissez l’héritier ? Vous en serez responsable et
vous agirez avec lui comme je vous l’ordonnerai.
— D’accord. »
Toranaga contempla les nuages pourpres. Ce plan ne veut
strictement rien dire, pensa-t-il. Je devrai déclarer Ciel pourpre moi-même et
il me faudra marcher sur Kyoto à la tête de toutes mes troupes. À
quatre-vingt-dix-neuf chances sur cent. « Qui sera l’interprète ? Je
ne peux pas détacher éternellement Toda Mariko-san.
— Pour quelques semaines, Sire ? Je veillerai à ce
que le barbare apprenne notre langue.
— Ça prendra des années. Les seuls barbares qui y soient arrivés étaient les prêtres chrétiens, neh ? Ça
fait au moins trente ans que Tsukku-san vit au Japon, neh ? Il n’apprendra jamais
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